
Quelles mesures le gouvernement entend-il prendre pour «augmenter la présence française dans les organisations internationales»? Ainsi feu le sénateur socialiste Guy Penne interpelle-t-il le gouvernement de Lionel Jospin en mars 1998. Un quart de siècle plus tard, cette préoccupation n’en finit pas de nourrir le spleen hexagonal: en berne ou pas, le prestige et l’ascendant de Paris dans les cénacles mondiaux?
En décembre 2021, la «Feuille de route de l’influence», cet «autre nom de la puissance», publiée par le ministère des Affaires étrangères dresse le bilan des ambitions et atouts nationaux. Car la France, septième économie mondiale, a beau être l’un des cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies, détenir l’arme nucléaire et bénéficier d’une langue parlée par 300 millions de personnes dans le monde, elle doit aussi, pointe le texte, être là «partout où se fait l’influence», car «être influent requiert bien sûr d’investir tous les lieux où "se fait" l’influence (...) à commencer par les enceintes internationales de négociation qui ont un pouvoir prescriptif comme l’ONU ou l’Union européenne».
Le FMI adore les "Frenchies", surtout s'ils sont économistes
Sur ce point, la France ne se débrouille pas si mal. Avec 20278 ressortissants dans les institutions internationales, elle truste près de 9% de l’ensemble des postes. Certes, tous n’ont pas l’aura de Christine Lagarde, l’ex-ministre de l’Economie devenue directrice générale du Fonds monétaire international (FMI) en 2011. Huit ans plus tard, elle prend la tête de la Banque centrale européenne comme, avant elle, l’ancien directeur du Trésor Jean-Claude Trichet de 2003 à 2011. Deux autres Français, Jacques de Larosière et Michel Camdessus, se sont succédé aux manettes du FMI entre 1987 et 2000. A Washington, on aime bien les Frenchies, encore plus s’ils sont économistes. Depuis 2022, le polytechnicien Pierre-Olivier Gourinchas occupe le poste convoité de «chief economist» de l’organisation, à l'instar de son compatriote et mentor Olivier Blanchard de 2008 à 2015.
Dans la vaste galaxie des Nations unies, il semble loin, le temps où un sénateur déplorait dans les colonnes du «Monde» la «position affaiblie» de la France. C’était en 1956. Aujourd’hui, un diplomate aguerri, Jean-Pierre Lacroix, est secrétaire général adjoint de l’ONU, chargé des opérations de maintien de la paix. Délicate mission à l’heure où la Finul, la Force intérimaire des Nations unies au Liban, doit de nouveau jouer le rôle de tampon au sud du pays entre l'armée israélienne et les hommes du Hezbollah, dans le cadre d'un fragile cessez-le-feu… La générale de gendarmerie Patricia Boughani, elle, a l’expérience directe du terrain. En janvier 2021, elle est la première femme à commander les 1700 officiers de police affectés à la mission onusienne au Mali, après avoir été conseillère à la sécurité intérieure auprès de la délégation française à New York. Depuis avril 2024, elle a changé de continent. La voilà désormais cheffe de la mission d’observation de l’Union européenne en Géorgie. Deux mille kilomètres à l’ouest, l’économiste Claire Harasty dirige, elle, le bureau de l’Organisation internationale du travail pour l’Europe de l’Est et du Centre depuis Budapest. Une organisation qu’elle sert depuis vingt-cinq ans.
Quatre Français aux manettes de la principauté de Monaco
En Europe aussi, la France s’efforce de placer ses hauts fonctionnaires aux postes clés. A Bruxelles, quatre d’entre eux figurent parmi les mécaniciens en chef de l’Union: Olivier Guersent, directeur général de la DG Concurrence, son homologue au Budget, Stéphanie Riso, et Denis Redonnet, directeur général adjoint au Commerce. A eux l’élaboration et la mise en œuvre des politiques européennes dans le domaine de leur compétence, sous la responsabilité de leur commissaire. Thérèse Blanchet, elle, est la secrétaire générale du Conseil de l’Union européenne, qui réunit les ministres des 27, et du Conseil européen (chefs d’Etat et de gouvernement).
A Monaco aussi, les Français sont bien présents. Ils sont quatre à avoir été nommés en septembre dernier aux plus hautes fonctions de la principauté: l’ex-sénateur et ministre Didier Guillaume, nouveau chef du gouvernement; le magistrat Samuel Vuelta-Simon, secrétaire d'Etat à la Justice; le préfet Lionel Beffre, conseiller de gouvernement-ministre de l'Intérieur; l’ancien patron de la PJ de Marseille, Eric Arella, directeur de la Sûreté publique. Un débarquement en force sur le Rocher.
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