La lune de miel entre Emmanuel Macron et Willy Schraen, l’influent président des 960 000 chasseurs français, dure depuis six ans, et toujours pas l’ombre d’un nuage à l’horizon. «Macron a fait plus pour la chasse qu’aucun autre président», lâchait le patron des chasseurs à la veille de la présidentielle de 2022, clamant fièrement son vote pour le champion de la «start-up nation». Un prêté pour un rendu : au cours des cinq années du premier mandat d’Emmanuel Macron, le montant des subventions accordées aux chasseurs par l’Etat a bondi de… 42 000%. Un petit miracle rendu possible grâce à une cascade de cadeaux… Oubliés, les 27 000 euros de subventions publiques grappillés jusqu’ici. En 2019, Emmanuel Macron accorde une baisse historique du prix du permis national de chasse, qui passe de 400 à 200 euros.

Des chasseurs devenus gardiens de la biodiversité... vraiment ?

Le président crée dans le même temps l’écocontribution, destinée à financer un fonds pour la reconquête de la biodiversité, doté de 15 millions d’euros par an et dédié uniquement aux chasseurs. L’Etat le subventionne à hauteur de 10 euros par chasseur et la Fédération nationale des chasseurs (FNC) ajoute 5 euros par membre. Un joli coup double : cette manne financière inédite permet au passage de verdir l’image des chasseurs, désormais gardiens de la biodiversité. «Les associations écologistes (…) nous soupçonnent de vouloir manger la laine sur leur dos ! (…) Elles ont raison d’avoir peur, parce que c’est ce que nous allons faire demain», assumait d’ailleurs Willy Schraen dans son livre «Un chasseur en campagne» (Ed. du Gerfaut).

Officiellement, l’écocontribution est gérée par l’Office français de la biodiversité (OFB). Dans les faits, l’instance instruit les dossiers à la va-vite puis accorde la manne. «Classiquement, lors des appels à projets de l’OFB, 50 à 70% des candidats sont écartés. Dans les cas de l’écocontribution, il n’y a aucune mise en concurrence. Résultat, malgré l’inconsistance d’un certain nombre d’argumentaires, on est seulement sur 5 à 7% de dossiers repoussés après instruction», notent les représentants du Syndicat national de l’environnement (SNE-FSU) de l’OFB. Il faut dire que les membres de la commission d’intervention de l’OFB, qui se réunissent quatre fois dans l’année, se prononcent par vague de 30 à 50 projets et non pour chaque dossier individuellement. «J’ai régulièrement exprimé des doutes sur des projets et même voté contre l’ensemble d’une vague, mais elle passe quand même», rapporte Jean-David Abel, pilote du réseau biodiversité au sein de France Nature Environnement (FNE) et membre de la commission des interventions de l’OFB.

Pourtant, sur les 615 projets auxquels Capital et la Cellule investigation de Radio France ont eu accès, un nombre important ne répondent clairement pas à l’esprit de l’écocontribution, soit «conduire des actions concourant directement à la protection de la biodiversité». Et se contentent d'une présentation elliptique : pas de date d’échéance, peu d’indicateurs sur les résultats attendus. Les montants demandés interrogent aussi: de rares dossiers sont estimés à moins de 10 000 euros tandis que d’autres dépassent les 400 000 euros, sans justification apparente. Tous ont pourtant été validés et payés.

Les projets de protection de la nature des chasseurs

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