Mais quelle mouche a donc piqué Emmanuel Macron le 15 mars dernier ? Après l’avoir autorisé pendant de longs mois, le chef de l’Etat a brusquement décidé de suspendre l’utilisation du vaccin AstraZeneca, le temps que la Haute Autorité de santé européenne (HAS) apporte la preuve de son innocuité. On ne peut pourtant pas dire qu’il y avait le feu au lac ! A cette date, seulement 7 décès et 30 cas de complications liées à des caillots sanguins avaient été recensés parmi les 18 millions de Bri­tanniques ayant reçu au moins une dose. Une proportion dérisoire, mille fois plus faible que celle d’attraper le Covid pour les personnes de 65 ans. Alors ? Alors, en fait, c’est surtout lui-même que le chef de l’Etat a tenté de protéger ce jour-là. Après l’Espagne, le Danemark, les Pays-Bas et l’Italie, l’Allemagne s’apprêtait en effet à suspendre à son tour le vaccin britannique, pour rassurer sa population. Le président de la République a estimé qu’il était trop risqué pour la France de faire cavalier­ seul.

Ça ne fera qu’une lâcheté de plus à mettre au compte des Européens dans la gestion du Covid. Ces derniers mois, la politique vaccinale de Bruxelles a essentiellement consisté à ouvrir le parapluie. Au cours de l’été, quand il fallait à tout prix sécuriser l’approvisionnement en doses, la Commission aurait passé des semai­nes entières à négocier avec les laboratoires des clauses pour se couvrir contre d’éventuels procès. Et la France a perdu de son côté un temps précieux à débattre de l’utilité des vaccinodromes, de l’innocuité des sérums ou de la généralisation des autotests. Les Américains, les Britanniques et les Israéliens, eux, ne se sont pas posé toutes ces questions : face à l’urgence, ils ont foncé.

En théorie, le principe de précaution part d’un bon sentiment. Le voici tel qu’il est rédigé dans l’article 5 de la Charte de l’environnement, laquelle a valeur constitutionnelle depuis 2005 : «Lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d’attributions, à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage.» Qui serait contre ? On ne dressera pas ici la liste des catastrophes sévères et des bévues imprévues, nombreuses, de la science.

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