C’est un événement rare, dans le secteur du tourisme. Près de 10.000 hôteliers, de différents pays européens, ont porté plainte conjointement contre Booking.com, une plateforme de réservation en ligne, selon des informations de France Inter. Et pour cause, selon ces plaignants, les clauses tarifaires appliquées par la plateforme seraient abusives. Elles empêcheraient ainsi les établissements hôteliers de proposer des prix plus attractifs à leurs clients par d’autres biais, que ce soit sur leur site propre ou par d’autres plateformes. C’est une fondation néerlandaise, la Hotel Claims Alliance Foundation, qui a déposé la plainte au tribunal d’Amsterdam, où se trouve le siège de la plateforme. Selon la plainte, les clauses tarifaires de Booking auraient coûté des centaines de millions d’euros aux établissements.

Or, ce n’est pas la première fois que Booking est pointé du doigt pour ses pratiques. En juin dernier, c’est la Répression des fraudes française qui a demandé à la plateforme de bien vouloir revoir ses conditions contractuelles, en lui reprochant des «pratiques restrictives de concurrence». L’organisme a laissé à la plateforme jusqu’au 31 décembre pour les rendre conformes. Des tensions récurrentes, qui illustrent un déséquilibre entre le site et les établissements hôteliers. Aujourd’hui, Booking capte 70% des réservations en ligne en Europe.

Des commissions en forte hausse

«Au fur et à mesure de leur mainmise sur le marché, Booking a eu la possibilité d'augmenter ses taux de commission, de peser beaucoup plus sur les marges de l'hôtelier», explique Véronique Siegel, présidente de la branche hôtellerie à l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie, interrogée par France Inter. Selon elle, pour un chiffre d’affaires de 100 euros grâce à une réservation via Booking, l’hôtel ne touche en fait que 75 euros, rendant cet équilibre difficile à tenir.

En 2015, Booking a mis fin en France à la clause tarifaire qui empêchait les hôtels de proposer des prix plus bas ailleurs. Mais cette contrainte existe toujours dans d’autres pays d’Europe. Et cette situation entraîne donc une explosion de 30% des commissions prises par Booking. Pour avoir plus de poids dans cette démarche, la Hotel Claims Alliance Foundation a été rejointe par une trentaine d’associations professionnelles du secteur. Les établissements qui souhaitent se rallier à cette plainte peuvent encore s’inscrire sur une plateforme dédiée, jusqu’à fin août.

De son côté, Booking dément toute pratique anticoncurrentielle : «Les déclarations faites par HOTREC (la fédération du tourisme européen, NDLR) et d'autres associations hôtelières sont inexactes et trompeuses. Le jugement de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) auquel HOTREC et ces associations font référence pour justifier une possible action collective n’a pas conclu que les clauses de parité tarifaire de Booking.com étaient anticoncurrentielles. En réalité, la CJUE n’a même pas été saisie pour évaluer si nos clauses avaient des effets anticoncurrentiels ou un impact sur la concurrence. La Cour s’est simplement prononcée sur le fait que ces clauses relèvent du champ d’application du droit de la concurrence de l’UE et que leurs effets doivent être appréciés au cas par cas. Nous souhaitons également confirmer que nous n’avons reçu aucune notification formelle d’une action collective.»