
Vous ne connaissez sûrement pas Bürokratt. C’est l’assistant virtuel des sites Internet gouvernementaux en Estonie, petit Etat balte de 1,3 million d’habitants, indépendant depuis 1991, qui s’est mué en champion de l’administration numérique en l’espace de trente ans. «Aujourd’hui, 99% des démarches du citoyen sont accessibles en ligne», affirme Petra Holm, une conseillère gouvernementale en poste à Tallinn, la capitale.
Sur son espace personnel, cette quadragénaire nous montre comment accéder à toutes les démarches d’état civil et de santé. Mais aussi comment voter ou gérer une entreprise. Avec une simple carte à puce reliée à son ordinateur par un boîtier, elle accède à une plateforme globale où s’échangent des milliards de données par an. «Dès sa naissance, chaque enfant est doté d’une identité numérique et de cette carte renouvelée tous les cinq ans. L'état civil a été numérisé dès 2001. Il n’y a aucun papier à remplir, tout est automatisé», détaille-t-elle.
Une confiance quasi aveugle dans le système
Sur la plateforme, le principe est simple: une seule fois, l’administration demande au citoyen les informations. Puis, en fonction des besoins, les différents services (police, impôts, Sécu…) s’interrogent entre eux, économisant ainsi des tonnes de papier. Et cela en toute transparence puisque le citoyen sait quel service a demandé quoi. «Ici, 100% de la population a un compte bancaire en ligne. Donc, quand vous sollicitez un prêt immobilier, la banque interroge les services fiscaux pour vous faire une proposition en quelques heures», illustre Petra Holm
L’Estonie est un pionnier de la déclaration fiscale numérique (2000) et de la signature électronique (2002). Le prélèvement à la source tel qu’on le connaît en France y a été développé voilà vingt ans. En 2017, 97% de la population était déjà connectée en 4G et 90% des foyers raccordés à la fibre. Et les personnes âgées se sont vite converties au numérique, au point que, lors des dernières élections législatives en 2023, la quasi-totalité des plus de 75 ans a voté en ligne!
Le secret de l’efficacité administrative estonienne repose sur un travail collégial entre le public et le privé, et une confiance quasi aveugle dans le système. Les Estoniens n’ont pas peur de Big Brother puisque leur e-Estonie ne les a jamais trahis. D’ailleurs, les businessmen locaux rencontrent régulièrement le Premier ministre pour améliorer le service. Ils ont ainsi obtenu des autorités le programme e-Residency.
Bientôt le mariage et le divorce à l’amiable en ligne
Celui-ci «fournit une identité numérique aux non-résidents, permettant aux entrepreneurs du monde entier de créer et de gérer une entreprise basée dans l'Union européenne entièrement en ligne. Cette approche tout numérique a contribué à l'essor d'entreprises comme Bolt», indique Martin Villig, cofondateur avec son frère Markus de cette plateforme de VTC, numéro 2 européen derrière Uber. Avec un prêt de 5000 euros, le tandem a bâti en dix ans «un groupe implanté dans 50 pays et réalisant 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires». Une vraie success-story.
Dans cet Etat 100% digital, les risques cyber sont réels, et la menace russe constante. Mais l’Estonie estime que l’architecture très éclatée de son réseau numérique la protège contre une paralysie totale. C’est pourquoi le pays continue d’avancer et proposera bientôt deux démarches importantes: le mariage et le divorce à l’amiable. «2025 sera l’ère du 100% digital», se réjouit Petra Holm, convaincue que ce système est tout à fait duplicable en France. «Ce n’est pas une question d’échelle, mais d’état d’esprit. Ici, nous n’attendons pas de savoir si tout est OK pour lancer un nouveau service digital. Nous l’améliorons en marchant.» En Estonie, la technologie a vaincu la bureaucratie.
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