Au nom de la défense du consommateur et de la libre concurrence, l’Europe a baissé la garde face à la Chine et aux Etats-Unis, laissant filer son industrie. Mais cette doctrine est en train de changer, sous l’impulsion du commissaire européen chargé du marché intérieur. En témoigne la nouvelle législation adoptée pour mieux contrôler les géants du numérique.

La Commission européenne vient d’adopter deux règlements visant à réguler les grandes plateformes numériques, sur le plan de la concurrence et des contenus. Quelle est la philosophe générale ?

Thierry Breton : Ces deux textes législatifs sont parmi les plus importants adoptés par l’Europe ces dernières années. Ils ont pour objectif d’organiser notre espace numérique, auquel nous consacrons 40% de notre temps, si ce n’est davantage. Il s’agit en vérité d’en reprendre le contrôle, sur la base d’un principe général simple : tout ce qui est interdit dans l’espace physique sera interdit dans l’espace numérique. On ne pourra donc plus y proférer des insultes, tenir des propos haineux, diffuser des images pédopornographiques, vendre des produits contrefaits, etc. Les plateformes auront l’obligation de mettre fin à ces infractions et de faire en sorte qu’on identifie les contrevenants.

Comment espérez-vous contraindre les Gafam ainsi que les grandes plateformes chinoises?

Elles devront disposer d’un représentant légal vers lequel nous pourrons nous tourner. Et les sanctions en cas de manquement seront très dissuasives. Dans le cadre du Digital Services Act (DSA), qui concerne les questions liées à la circulation des contenus, elles pourront aller jusqu’à 6% du chiffre d’affaires mondial. Dans celui du Digital Markets Act (DMA), qui a trait à la libre concurrence, elles pourront atteindre 10% du chiffre d’affaires. J’ajoute que nous aurons la possibilité d’auditer les plateformes et leurs algorithmes de recommandation et, en cas de récidive, de prononcer des interdictions temporaires.

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