
Entre les hommes et les femmes, les écarts de revenus ne se limitent malheureusement pas à la vie active. A la retraite également, le fossé est abyssal : «Les femmes résidant en France ont une pension de droit direct moyenne (y compris l’éventuelle majoration pour trois enfants ou plus) inférieure de 38% à celle des hommes en 2022», pointe la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) dans son dernier rapport “Les retraités et les retraites” d’octobre 2024. Mais cette différence pourrait en partie être comblée par une réforme du mécanisme de la majoration de pension pour trois enfants, qui fait l’objet d’une récente étude de la Drees publiée en mars 2025.
Pour rappel, une majoration de 10% est versée à tous les assurés qui ont eu au moins trois enfants. Et ce, peu importe leur sexe ou leur niveau de pension. D’un coût total de 8,4 milliards d’euros en 2020 (2,9% des pensions de droit direct, hors réversion, donc), elle bénéficie surtout aux hommes puisqu’ils touchent les pensions les plus élevées. «Les masses versées au titre de ce dispositif concernent davantage les hommes, qui sont surreprésentés parmi les retraités aisés», pointe ainsi la Drees. Et les chiffres cités dans le rapport ne disent pas autre chose puisque «la majoration de pension pour enfants servie aux bénéficiaires représente en moyenne 77 euros par mois pour les femmes, contre 136 euros pour les hommes».
Une majoration forfaitaire de 150 euros pour les femmes ?
Une inégalité de traitement sur laquelle la Drees a planché, et proposé trois variantes «à l’aune d’objectifs de redistribution vers les femmes ou les plus modestes», précise l’étude. Dans le premier scénario, un montant forfaitaire de 150 euros par mois est versé aux parents de trois enfants ou plus pour une liquidation de la retraite en 2026. Un mécanisme qui ferait, pour les parents concernés, 60% de gagnantes chez les femmes contre un peu plus de 40% chez les hommes. Mais avec des effets très limités sur les inégalités en matière de retraite entre hommes et femmes : «La pension moyenne des femmes augmenterait de 0,3%, tandis que celle des hommes diminuerait de la même proportion, de telle sorte que la pension moyenne des femmes représenterait 85,5% de celle des hommes, contre 84,9% en législation actuelle pour cette génération», pointent les auteurs.
Autre option : verser exclusivement la majoration de pension aux femmes, et dès le premier enfant. Ainsi, dans ce deuxième scénario, le “bonus” atteindrait 3% pour un enfant, 6% pour deux enfants et 13% pour trois enfants ou plus, avec un plafond de 3 000 euros brut par an. Une méthode qui permettrait d’augmenter de 3,3% la pension moyenne à 68 ans des femmes nées en 1978 et, a contrario, diminuerait celle des hommes de 3%. «In fine, la pension moyenne des femmes représenterait 90,4% de celle des hommes, contre 84,9% en législation actuelle, soit 5,5 points de réduction de l’écart de pension moyen», indique l’étude. Un bémol, toutefois : les inégalités de pensions entre les retraités les plus aisés et les plus modestes seraient réduites dans l’épaisseur du trait, le rapport entre la retraite des 20% les plus riches et les 20% les moins bien lotis s’effritant de 8 à 7,8.
Une réforme trop coûteuse pour notre système de retraite ?
Dernière piste étudiée, celle d’une majoration forfaitaire, croissante en fonction du nombre d’enfants, et réservée aux femmes. Fixé à 40 euros, 80 euros et 160 euros pour un, deux et trois enfants ou plus respectivement, ce forfait ferait là encore beaucoup de gagnantes chez les femmes - 81,6% verraient leur pension augmenter d’au moins 1% -, les perdantes se trouvant principalement parmi les mères de trois enfants ou plus (16% d’entre elles). Du côté des femmes aux pensions les plus modestes, 51,1% verraient leur retraite grimper de 20% au moins, «tandis qu’au sein du cinquième le plus élevé, quasiment aucune femme ne gagnerait plus de 5% dans ce scénario», soulignent les auteurs. Au global, les femmes de la génération 1978 gagneraient 3,9% sur leur pension à 68 ans, les hommes perdant 3% en moyenne. Ce scénario «serait celui qui réduirait le plus les inégalités par rapport à la législation actuelle. Ainsi, le ratio de pension moyenne entre femmes et hommes passerait de 84,9% à 90,9%, soit 6 points de pourcentage de réduction de l’écart. De plus, le rapport entre les pensions moyennes au sein du dernier et du premier cinquièmes baisserait de près d’un point (de 8,0 à 7,1), traduisant une diminution des écarts de pension entre les retraités», poursuivent-ils.

Efficace sur le papier, la refonte de la majoration de pension pour les parents de trois enfants ou plus risque cependant de se heurter à une limite, et non des moindres. Celle d’une «dérive financière», plus importante encore pour la dernière piste étudiée, le forfait évolutif étant revalorisé au fil des années selon l’évolution du salaire moyen par tête (SMPT). Or, impossible vu les finances des régimes de retraite de creuser les déficits. Raison pour laquelle la Drees mentionne l’existence «d’autres dispositifs familiaux nettement plus ciblés vers les femmes : les majorations de durée d’assurance et l’AVPF (Assurance vieillesse des parents au foyer, NDLR»). La réforme du mécanisme de majoration de pension pour enfants, et donc l’augmentation des pensions des mères de famille, dans un avenir proche est donc tout sauf certaine…
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