Ce vendredi ensoleillé de printemps, l’humeur est au beau fixe dans l’ancienne caserne des douanes de Marseille-Joliette, siège de l’unité locale de l’Office national anti-fraude aux finances publiques (Onaf). «On va enfin pouvoir laisser les ordinateurs au bureau ce week-end», sourit Brigitte, l’une des deux cheffes de groupe. Le service vient de boucler un joli dossier baptisé «Aladin» : un trafic international de prégabaline, traitement prescrit contre les crises d’épilepsie, les douleurs neuropathiques et les troubles anxieux – vendu sous le nom de la molécule et aussi sous les marques Lyrica ou Brieka. Dans un bureau s’entassent des valises à roulettes et des sacs plastique bourrés de gélules rouge et blanc. «C’est la nouvelle drogue du pauvre, revendue 2 euros pièce, précise Marc Maestracci, le patron de l’unité. Nous en avons saisi 288 000 en trois mois.»

La traque a débuté en octobre 2023, après la découverte par les douaniers de Marignane, l’aéroport phocéen, de 6000 gélules de prégabaline et 4000 de Brieka dans les bagages d’une «mule» en provenance de Grèce. Six mois plus tard, les super-douaniers ont interpellé trois distributeurs marseillais. Place à la coopération avec Athènes, maintenant, pour mettre la main sur les deux fournisseurs grecs.

Les seize enquêteurs marseillais n’auront pas le temps de souffler. Ils doivent remonter la piste de la quinzaine de cornes d’éléphant trouvées par la police lors d’une récente perquisition – le commerce de l’ivoire est interdit en France. «On traite également de multiples dossiers de blanchiment et de fraude au chômage partiel, au compte personnel de formation, aux certificats d’économie d’énergie et à MaPrimeRenov’, énumère Marc Maestracci. Récemment, notre compétence a été élargie à l’ensemble de la fraude aux finances publiques.»

"D'argent et de sang", la série qui fait briller l'Office

Le tout jeune Onaf, né le 1er mai 2024, et ses 321 agents sont les héritiers d’une histoire entamée vingt-deux ans plus tôt avec la création du Service national de douane judiciaire (SNDJ). «Ce dernier est issu de la volonté des douaniers de pousser plus loin leurs investigations et de disposer des moyens procéduraux nécessaires», explique le magistrat Christophe Perruaux, patron de l’Office. Mission accomplie, comme en témoigne la récente série de Canal + «D’argent et de sang», récit haletant d’une (vraie) méga-fraude fiscale sur le marché européen des droits à polluer. L’affaire dite «de la taxe carbone» est le hold-up du siècle : ce braquage sans armes ni violence a coûté 1,6 milliard d'euros au fisc français et 5 milliards à l’Union européenne entre novembre 2008 et juin 2009.

A force de ténacité, les enquêteurs du SNDJ sont parvenus à démêler l’écheveau des sociétés-écrans et à identifier les principaux acteurs de cette escroquerie XXL. A Ivry-sur-Seine, au siège national du service, on parle encore de la visite de Xavier Giannoli, le réalisateur de la série, et des acteurs Vincent Lindon et Niels Schneider venus s’imprégner de l’atmosphère de ces lieux ultrafonctionnels, à quelques enjambées du périphérique sud, que les limiers de l’Onaf partagent avec leurs collègues du renseignement douanier. «C’est une bonne pub pour nous», se réjouit Christophe Perruaux.

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