
En attendant l’arrivée de la ministre des Sports, Marie Barsacq, hier après-midi au siège de la Fédération française de football à Paris, les principaux dirigeants du foot tricolore sont déjà sur scène. D’un côté, le président de la FFF, Philippe Diallo, accompagné de Marc Keller (président du RC Strasbourg et membre du comex de la FFF). De l’autre côté du siège vide de la ministre, Vincent Labrune, président de la Ligue de football professionnel (LFP) ronge son frein. L’homme fort du football professionnel français, au cœur d’une tempête économique sur fond de crise des droits TV, bousculé par les présidents de Ligue 1 et Ligue 2, sait qu’il vient de perdre une bataille institutionnelle décisive.
En effet, après des semaines de travail en petit comité au sein de la FFF, qui dispose d’une tutelle juridique sur la LFP, le président de la Fédé a acté une évolution importante, avec la création prochaine d’une nouvelle « société de clubs » qui viendrait remplacer la LFP. Charge à elle de gérer toutes les questions commerciales aujourd’hui dans le giron de LFP Media, la filiale commerciale de la Ligue créé il y a quelques années à peine et qui gère les droits TV notamment. La nouvelle structure, où le fonds d'investissement CVC conserverait 13% du capital comme ce qui est le cas aujourd'hui chez LFP Media, s’occuperait aussi du règlement des compétitions, sur le modèle de la Premier League anglaise, le championnat de foot d’Outre-Manche considéré comme le plus puissant du monde.
Labrune "très favorable à une évolution vers un modèle Premier League"
"On va passer d'une ligue qui était une association loi de1901 à une société commerciale dont les clubs seront les actionnaires", a détaillé le président de la FFF, en présentant les travaux issus des états généraux du foot pro initiés en mars."Et demain, il n'y aura plus de président élu à la ligue, mais des professionnels nommés et rémunérés pour diriger cette future société commerciale."
Alors que la LFP vient d’accueillir un nouveau directeur général en la personne de Nicolas de Tavernost (ex-M6, conseiller de CMA CGM Media), la future entité serait directement intégrée à la FFF, qui réinternaliserait aussi en passant des organes comme la DNCG (gendarme financier de la Ligue), et viderait ainsi de sa substance tous les actifs de la LFP… y compris le poste de son président, Vincent Labrune.
Ce dernier n’a d’ailleurs pas mis longtemps à reconnaître que la partie était sur le point de se finir pour lui. Dans L’Equipe ce mardi, il affirme être « très favorable à une évolution vers un modèle proche de celui de la Premier League. Le foot français a tout à gagner à s’en inspirer. C’est une orientation que je défends de longue date et je me réjouis qu’elle soit désormais au cœur des discussions ». S’il a résisté pendant des mois aux appels à la démission de ses principaux opposants, l’ancien patron de l’OM va jeter l’éponge. Il pourrait quitter son poste à l’automne, une fois que la réforme voulue par la FFF sera votée par le Parlement.
La commission sénatoriale a été décisive
Il faut dire que Vincent Labrune n’avait plus beaucoup de marges de manœuvre depuis les révélations dans les médias des brouilles entre présidents de clubs, à propos de la voie à suivre pour sauver la diffusion des matchs et les recettes en droits TV qui vont avec. Alors qu’il espérait un milliard d’euros par saison lors de son appel d’offres il y a deux ans, la LFP a vu ses revenus divisés par 2. Et même son nouveau diffuseur, la plateforme DAZN, a choisi de se retirer au terme de la première saison malgré un contrat de 5 ans en poche. Cette volte-face mutuelle va obliger la LFP à faire le grand saut, en préparant la création d'une chaîne maison dès la saison prochaine.
Surtout, la gestion de la LFP sous Vincent Labrune s’est faite étriller par une commission d’enquête sénatoriale menée par le président centriste de la commission de la Culture, Laurent Lafon et son rapporteur associé au texte, le LR Michel Savin. Les deux hommes ont proposé au printemps un projet de loi issu de leurs travaux parlementaires, dans lequel ils proposaient déjà des évolutions majeures en matière de gouvernance.
« Dans le rapport, nous alertions sur la situation alarmante du football professionnel français. Nous constatons avec satisfaction que plusieurs mesures avancées par M. Philippe Diallo, comme la suppression de la LFP au profit d’une société commerciale de clubs, s’inscrivent dans la logique de notre proposition de loi qui sera examinée en commission au Sénat le 28 mai avant un passage en séance le 10 juin », ont indiqué les deux sénateurs dans un communiqué diffusé hier soir.
D’ici l’examen du texte, des amendements issus des travaux de la FFF seront donc intégrés à la proposition de loi qui, si elle est adoptée au Sénat, devrait arriver à l’automne à l’Assemblée pour un vote final qui signera, de facto, la fin de l’ère Vincent Labrune à la tête du football professionnel français.



















