
Les représentants du personnel étaient inquiets depuis plusieurs jours. Ce mardi 5 novembre, le couperet est tombé. À l’occasion d’un Comité social et économique (CSE), le distributeur Auchan (famille Mulliez) a présenté un plan de réduction drastique de ses coûts. Difficile, cette annonce n’en était pas moins inévitable. Car le géant de la distribution s’enlise, année après année, dans un bourbier économique. Depuis 2012, la part de marché de l’enseigne est ainsi passée de 12,1% à 8%, et son chiffre d’affaires a reculé de 5% en 2023, à 32,9 milliards d’euros.
Il y avait donc urgence à réagir. Pour s’occuper de ce travail, le groupe de distribution nordiste avait nommé Guillaume Darrasse à la tête d’Auchan en avril 2024. L’ancien directeur général délégué de la Coopérative U a eu six mois pour réfléchir à une nouvelle stratégie.
5% des salariés concernés
Priorité quand on perd de l’argent ? Une cure d'amaigrissement. Au total, 2 389 postes seront donc supprimés, soit l’équivalent de 5% des effectifs, à la fois dans les fonctions supports au siège, mais aussi dans les magasins. «Le plan social était inévitable. Les structures centrales sont hypertrophiées», nous confie un expert du commerce. Si ce «nettoyage» apparaît inéluctable, il n’est pas forcément la meilleure solution. «Alléger sa masse salariale ne signifie pas forcément se séparer des collaborateurs. Il y a toujours d’autres solutions, mais qui nécessitent de prendre des risques. Tous ces cerveaux vont partir chez les concurrents», souligne Yves Soulabail, spécialiste de la grande distribution et professeur à l’Istec Business School Paris. Le groupe espère tout de même, selon ses déclarations, créer 319 postes, en réaménageant ses activités, et leur façon de se développer.
Ce régime sévère devrait permettre à Auchan de réaliser une économie de 350 millions d’euros, à laquelle s’ajoute la fermeture de dix points de vente, dont trois hypermarchés (Clermont-Ferrand Nord, Woippy et Bar-le-Duc), un supermarché à Aurillac et six points de vente d’ultra proximité, sous enseigne My Auchan. Curieux timing quand on se souvient qu'en avril dernier, Auchan avait avalé 98 magasins de la marque Casino, probablement pour éviter qu'ils ne finissent dans l'escarcelle d’un rival. Quand le Premier ministre, Michel Barnier, se demande ce qu’Auchan a bien pu faire «de l'argent public qu'on (lui) a donné», la réponse paraît donc toute trouvée… Chez les représentants du personnel, cette décision soulève également des questionnements. «Nous allons vérifier la santé financière de ces magasins et voir si les fermetures sont justifiées», avance Gilles Martin, délégué syndical CFDT d’Auchan Retail France.
Baisser les prix et déployer la MDD
Une fois ce travail de délestage opéré, place à la relance. «L’urgence pour Auchan : retrouver un positionnement compétitif avec un nouveau discours et des prix accessibles», indique Frank Rosenthal, consultant en marketing du commerce. Nombreuses sont les pistes avancées par l’enseigne. Concernant l’offre de produits non alimentaires, dont les ventes patinent, cela passera probablement par la suppression des rayons électroménager et high-tech. Au profit des rayons dédiés aux articles de mode, à la décoration et à l’ameublement, qui subsisteront.
Auchan espère également ressusciter son pouvoir d’attraction, avec des prix en baisse, alors que ses étiquettes restent souvent 30% plus élevées que celles de Leclerc. Autre levier : le déploiement de ses produits à marque de distributeur (MDD) pour qu’ils représentent 40% du chiffre d’affaires de l’enseigne à horizon 2023, contre 23% aujourd’hui.
Ce plan sera-t-il suffisant pour remettre Auchan sur les rails ? Certains restent pessimistes. «Le groupe est impossible à redresser. Cette enseigne est un nain qui pèse presque autant que Lidl. Tout seul il ne peut plus survivre», confie à Capital Clément Genelot, spécialiste de la distribution chez Bryan, Garnier & Co. Pour les 54 000 salariés du groupe en France, c’est le moment de croiser les doigts… ou de peaufiner leur cv.
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