De la crypto au sport, Bitpanda n'en finit plus de s'étendre après un premier partenariat avec le club du Bayern Munich, puis avec le tennisman Stanislas Wawrinka, annoncé en marge de Roland-Garros. En septembre, c'est avec la NFL, la ligue de football américain, que la plateforme s'est engagée pour un partenariat qui sera visible dans les stades comme sur les écrans. Une stratégie marketing payante puisque l’entreprise annonçait pour l’année 2023 un chiffre d’affaires de 147,6 millions d’euros et un bénéfice avant impôts de 13,6 millions d’euros. Son premier trimestre 2024 serait même le plus profitable de son histoire, même si aucun chiffre n’a été divulgué.
Capital : Pourriez-vous revenir sur la genèse de Bitpanda ?
Eric Demuth : J’ai rencontré Paul (Klanschek, cofondateur) en 2013. Nous trouvions tous les deux qu’il était trop difficile pour les gens d’acheter du bitcoin : à cette époque, il fallait envoyer de l’argent en Pologne ou au Japon, le convertir en dollars, puis passer un ordre au marché. Nous avons donc imaginé une sorte de boutique en ligne, un peu comme Amazon, avec les services de paiement habituels. C’était assez simple. Le plus compliqué a été d’ajouter et d’automatiser la partie cryptographique.
Comment expliquez-vous la croissance de l’entreprise ?
Il a d’abord fallu nouer de bonnes relations avec les banques. Tous nos concurrents de l’époque ont disparu parce qu’ils ont négligé cet aspect. Nous avons été les seuls à opérer selon les normes. Nous nous sommes concentrés dès le début sur la réglementation, même s’il n’y en avait pas. Et quand elle a commencé à arriver au sein de l’Union européenne, nous étions à l’avant-garde. Aujourd’hui, nous avons une vingtaine de licences différentes en Europe. Notre boutique en ligne pour bitcoins a donc bien grandi.
Nous avons été à l'avant-garde de la réglementation
Outre la structure réglementaire, qu’est-ce qui vous différencie ?
Notre plateforme est conviviale. Nous avons rendu la crypto facile à aborder. Nous avons intégré d’autres cryptomonnaies, puis le marché boursier, l’achat d’actions fractionnées, etc. C’est devenu une plateforme pour toutes sortes d’investissements. Nous avons collaboré avec Visa pour créer une carte qui permet de dépenser tous vos actifs, même une action Tesla. Comme Amazon avec Amazon Web Services, nous avons construit une infrastructure : nous vendons notre technologie et nos licences aux banques et entreprises de la fintech qui peuvent ainsi offrir une solution d’actifs numériques appropriée, de manière très modulaire. Certaines utilisent une solution en marque blanche complète, mais d’autres désirent juste une solution de garde ou de vente hors cotation pour les clients corporatifs. C’est à la carte.
Bitpanda est devenu très visible en termes de marketing. Comprenez-vous que cela puisse sembler suspect, particulièrement depuis la chute de FTX ?
Il y a une grande différence : en 2020 et 2021, toutes ces entreprises, les FTX, les Crypto.com, les Bourses asiatiques, voulaient simplement croître autant que possible au niveau mondial. Le problème est que le secteur de la finance est fortement réglementé. Il y a une raison pour laquelle chaque pays a ses banques nationales. La finance est toujours très locale. Ces entreprises ont essayé d’obtenir le plus de clients possible sans respecter les réglementations et les frontières. Elles ont acheté de la réputation, par exemple par du sponsoring sportif, ce qui leur a permis de faire de la publicité sans respecter les réglementations locales. Maintenant que Bitpanda a toutes les licences locales et qu’il y a un cadre réglementaire clair, nous pouvons faire de la publicité. Et nous avons désormais l’argent pour en faire.
Le futur règlement européen MiCA vous convient-il ?
Oui, MiCA est une bonne réglementation. Elle aurait même dû être mise en œuvre il y a cinq ans. Pour nous, c’est simple car nous avons déjà toutes les licences, et la licence allemande est encore plus compliquée que ce qu’exige MiCA en termes de conformité. Je crains en revanche que des entreprises étrangères n’obtiennent la licence dans des pays plus laxistes afin de pouvoir exercer au sein de l’Union européenne. J’espère que des pays comme l’Allemagne et la France s’opposeront à ces pratiques et que la plupart des Etats mettront ce règlement en œuvre correctement.
La société financière Robinhood a acquis la bourse crypto Bitstamp, basée au Luxembourg, en juin. Avez-vous été approchés pour une acquisition de Bitpanda ?
Non. Il ne faut pas oublier que Bitstamp était une entreprise mourante depuis des années. Robinhood a acquis une licence, une équipe et une base de clients existante. C’était plus ou moins gratuit (200 millions d’euros pour cette acquisition, NDLR). Ils ont acheté un pied-à-terre en Europe, où il est difficile de construire en partant de zéro. Ils ne pourraient même pas nous acheter. Je ne plaisante pas. Leur capitalisation boursière n’est pas assez importante (19,5 milliards de dollars au 28 juin, date de l’entretien).
Votre plan est-il d’entrer en Bourse ?
Pas nécessairement. Nous y sommes préparés car cela prend des années. Mais cela ne signifie pas que c’est notre plan ultime. Je ne suis pas le plus grand fan de cette idée qu’il faudrait forcément vendre ou faire une introduction en Bourse. Ce n’est pas nécessaire. Il y a aussi une voie où vous avez une entreprise qui grandit simplement. Nous sommes rentables. Nous l’avons toujours été, sauf en 2022. Et cette année, nous serons également très rentables.
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