Notre système de solidarité est-il à bout de souffle ? C’est en tout cas le constat de l'Institut de la protection sociale (IPS) ce mardi 8 juillet. Dans un copieux rapport, l’IPS alerte sur «des cotisations de moins en moins utiles à ceux qui les payent». Avant d’aller plus loin, petite piqûre de rappel : les cotisations sociales obligatoires correspondent à l’ensemble des prélèvements retenus sur votre fiche de paie. Elles financent les prestations sociales, comme les allocations chômage ou les indemnités journalières en arrêt maladie.

Sachant cela, on pourrait facilement penser : «Plus mon salaire est élevé, plus je cotise et plus je toucherai le moment venu !», à l’occasion de la retraite par exemple. Eh bien, ce n’est pas aussi simple. «Il n’y a pas de juste proportionnalité entre ce que vous cotisez et ce que vous récupérerez ensuite», assure Bruno Chrétien, président du think tank. Pour le dire autrement, donner plus ne vous garantit pas d’obtenir plus.

L’opacité des cotisations créé de la défiance chez les Français

Et le décalage entre ce que l’on paie et ce que l’on reçoit se creuse à mesure que l’on monte dans les tranches de revenus. «Plus le salaire est élevé, plus la part des cotisations réellement affectées à vos droits personnels — ce que nous appelons les “cotisations productives” — diminue. Et plus la “taxe sociale”, qui ne sert à financer que la protection sociale des autres, augmente», précise Bruno Chrétien. Pas facile de comprendre un système si complexe. Mais soyez rassurés, «même les spécialistes s’y perdent», confie Bruno Chrétien, rappelant qu’il a aussi été directeur de caisse de Sécurité sociale. Les fiches de paie en sont le parfait exemple : «Malgré une promesse de simplification, elles sont toujours aussi illisibles pour la plupart des gens», poursuit-il.

C’est précisément là que s’installerait la défiance des cotisants, qui ne savent plus où partent leur argent. Notamment chez les hauts revenus - «qui ont le sentiment de cotiser dans un tonneau des Danaïdes», pour reprendre la formule du rapport, mais pas que. Car si ce sentiment d’exaspération n’est pas nouveau – avec notamment les commerçants qui avaient déjà exprimé leur colère dans les années 80, la tension est désormais palpable auprès des salariés. «Ils s’aperçoivent que le travail paie de moins en moins», alerte l’expert. Le risque ? Que «la situation ne devienne rapidement explosive, [au point de] remettre en cause le consentement aux cotisations sociales», prédit le rapport. Et par extension, dire adieu à notre modèle de solidarité et à toutes les prestations qui vont avec.

Prioriser l’invalidité et le handicap

Tout est-il perdu pour autant ? Loin de là, rassure Bruno Chrétien : «Il faut se recentrer sur les besoins essentiels.» En clair, mettre le paquet sur la couverture des risques graves plutôt que sur la prise en charge systématique de petits soins. «Aujourd’hui, grâce au tiers-payant, tout le monde peut se soigner sans avancer les frais. Mais cela se fait au détriment de protections plus importantes, comme le capital décès ou la prise en charge de la dépendance, qui restent trop faibles en France», souligne-t-il. Et puis, pourquoi ne pas redonner la main aux partenaires sociaux en matière de santé ? «On a vu que cela marche très bien avec les retraites», constate Bruno Chrétien.

La TVA sociale, piste ô combien brûlante et récemment réapparue dans la boîte à idées du gouvernement — figure aussi parmi les solutions pour sauver le système. Le principe ? Augmenter le taux de TVA pour générer des recettes supplémentaires, tout en allégeant les cotisations qui pèsent sur les entreprises et les salariés. «L’idée n’est pas simplement de remplir les caisses, mais surtout de réduire les charges sociales qui amputent la fiche de paie». «Tout l’enjeu, c’est de faire payer moins de charges aux salariés, pour qu’ils perçoivent plus de revenu net», insiste-t-il. Mais la classe politique, elle, fustige la mesure. Pour le député Sébastien Chenu (RN), il s’agit d’un «impôt déguisé» qu’Antoine Léaument (député LFI) n’hésite pas à qualifier de particulièrement«injuste».