Il est plus simple d'expliquer ce que n'est pas le système de crédit social chinois plutôt que ce qu'il est véritablement. En 2014, lorsque la Chine a annoncé un plan de six ans pour construire un "système de crédit social" qui récompenserait les actions renforçant le sentiment de confiance dans la société et pénaliserait les actes allant à l'encontre de cet objectif, cela a créé une incompréhension dans le monde occidental. Avec la publication de nouveaux documents à la mi-novembre 2022, l'occasion est donnée de corriger le tir.

Pour la plupart des personnes vivant en dehors de Chine, l'expression "crédit social" évoque instantanément des images dans notre esprit : celles d'un système à la Black Mirror alimenté par des technologies permettant de noter automatiquement chaque citoyen chinois en fonction de ce qu'il fait de bien ou de mal. Dans la réalité, ce terrifiant système de crédit social n'existe pas et le gouvernement central ne semble pas enclin à le construire non plus.

Au lieu de cela, le système sur lequel le gouvernement travaille, en prenant son temps, est un mélange de plusieurs tentatives pour réguler l'industrie du crédit financier, pour permettre aux agences gouvernementales de partager des données entre elles et pour promouvoir des valeurs morales sanctionnées par l'Etat - aussi vague que puisse paraître cette dernière notion en particulier. Rien ne prouve encore que ce système ait été utilisé à des fins de contrôle social généralisé (bien qu'il soit toujours possible qu'il soit employé pour porter atteinte aux droits individuels).

Alors que les gouvernements locaux ont été beaucoup plus ambitieux avec leurs réglementations innovantes, provoquant davantage de controverses et de réactions publiques, le système de crédit social à l'échelle nationale prendra encore beaucoup de temps avant de se matérialiser. La Chine n'a jamais aussi proche qu'aujourd'hui d'être en mesure d'expliquer à quoi ressemblera son système. Le 14 novembre dernier, plusieurs agences gouvernementales ont publié de manière collective un projet de loi sur l'établissement du système de crédit social, la première tentative de codifier systématiquement les expériences passées sur le crédit social et, théoriquement, de guider sa future mise en oeuvre.

Pourtant, ce projet de loi a laissé les observateurs avec plus d'interrogations que de réponses.

"Ce projet ne reflète pas du tout un changement radical", estime Jeremy Daum, membre senior du Yale Law Paul Tsai China Center, qui observe l'expérience du crédit social en Chine depuis plusieurs années. Il note qu'il ne s'agit pas d'un changement significatif de stratégie ou d'objectif par rapport à ce qui est déjà en place.

La loi reste plutôt proche des règles locales que les villes chinoises comme Shanghai ont publiées et appliquées ces dernières années, sur des sujets tels que la collecte de données et les méthodes de sanctions, en leur attribuant simplement un cachet d'approbation centrale. Elle ne répond pas non plus aux questions persistantes des universitaires sur les limites des règles locales. "Il s'agit en grande partie d'une intégration de ce qui existait déjà, à tel point que cela n'apporte pas beaucoup de valeur ajoutée", poursuit Jeremy Daum.

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