
Chaque année, près de 300 000 spectateurs se massent autour du circuit du Mans, transformant cette ville paisible de la Sarthe en capitale mondiale de l’endurance. Mais ce raz-de-marée ne profite pas qu’aux passionnés d’automobile. Derrière le mythe, c’est tout un écosystème qui s’active : hôteliers, restaurateurs, loueurs, commerçants, collectivités... Tous surfent sur la déferlante. Pour Pierre Fillon, président de l’Automobile Club de l’Ouest (ACO), association à but non lucratif qui gère la course depuis 1923, « les 24 Heures du Mans sont bien plus qu’une course. C’est un écosystème mondial, une vitrine technologique et une source de retombées majeures pour la région». Et les chiffres lui donnent raison. En 2023, l’événement qui fêtait son centenaire a généré pas moins de 162,1 millions d’euros de retombées économiques en France, dont 89% concentrés dans un rayon de 200 km autour du circuit. Une manne qui bénéficie notamment au tourisme et à l’hôtellerie. Stéphane Le Foll, maire du Mans, estime ainsi le nombre de nuitées à «450 000 pour la métropole et 150 000 pour la ville du Mans».
Une course qui rayonne sur toute la région…
Avec le retour de constructeurs historiques comme Ferrari en 2023 ou Mercedes cette année, les commerçants se préparent dès le printemps pour accueillir une véritable marée de passionnés. Pour nombre d’hôtels et de restaurants, cette semaine qui démarre dès le lundi 9 juin - au lendemain de la journée de test sur le circuit -, pèse 20% du chiffre d’affaires annuel, voire davantage. Ana Carolina Leperlier, directrice générale du Leprince Hôtel Spa, niché dans le cœur historique de la préfecture de la Sarthe, souligne ainsi toute l’importance de cette période qui «doit représenter 40% de notre chiffre d’affaires puisque c’est la privatisation la plus longue qu’on a sur toute l’année et forcément, les prix aussi sont augmentés». Ludovic Fillette, gérant du bar Le Bistrot installé sur la célèbre Place des Jacobins en contrebas de la Cathédrale Saint-Julien, évoque également les effets bénéfiques directs sur son commerce : «La parade des pilotes, qui est la plus grosse journée pour nous, amène un flux de l’ordre de 60 000 à 70 000 personnes, avec une ambiance intense, un peu comme la caravane du Tour de France.» Dans le détail, selon ce dernier, «ce sont des journées où on multiplie le chiffre d’affaires par 4, par 5, par 6. Le jour de la parade, on fait entre 25 000 et 30 000 euros de chiffre d’affaires. On va salarier 12 à 13 personnes sur cette journée-là, sachant qu’on a déjà un staff conséquent de 8 personnes en général.»
Plus largement, ce sont plus de 10 000 personnes qui sont mobilisées sur place pendant la semaine de course : commissaires, bénévoles, agents de sécurité, cuisiniers, logisticiens… En amont, ce sont des centaines de salariés et de prestataires qui travaillent pendant des mois à la préparation. L’ACO évalue à 1 000 le nombre d’emplois équivalent temps plein générés par l’événement. Selon Stéphane Le Foll, «les emplois qui sont directement liés aux 24H sur la semaine, c’est l’hôtellerie et la restauration. Ensuite, ce sont aussi des emplois pour la métropole et la ville qui nécessitent la mobilisation de tous les services». Il rappelle aussi l’importance des transports publics : «C’est pour la Setram (société d'économie mixte des transports en commun de l'agglomération mancelle, NDLR) avec le tramway et les bus, parce qu’on évite que les gens aillent en voiture sur le circuit.» Depuis des années, l’ACO travaille d’ailleurs main dans la main avec les collectivités locales. Le Mans Métropole, le département de la Sarthe et la région Pays de la Loire sont tous parties prenantes via un syndicat mixte dédié au circuit. Résultat : des infrastructures modernisées, une circulation plus fluide, et des animations qui dépassent le simple cadre sportif, comme la parade des pilotes dans le centre-ville.
… Et toute l’année !
Et Le Mans ne vibre pas qu’en juin. Tout au long de l’année, le circuit des 24H et son musée installé en bordure accueillent séminaires, tournages, événements professionnels et visiteurs en quête d’histoire automobile. L’impact dépasse donc largement les quelques tours d’horloge. «Nous partageons une ambition commune : faire rayonner Le Mans bien au-delà de la course», résume Pierre Fillon. Le maire du Mans estime pour sa part que «c’est un moteur touristique pour la notoriété que ça apporte et qu’en même temps, la ville du Mans ce n’est pas que les 24H, c’est aussi un patrimoine exceptionnel. On essaye de faire en sorte que les 24H soient un produit d’appel qui permette à ceux qui viennent de découvrir aussi la ville».
Autour de la course, c’est donc tout un tissu économique qui s’organise. Et comme le souligne l’ancien ministre de l’Agriculture, «le centenaire des 24H a été l’occasion d’une étape franchie, avec une nouvelle génération de gens plus jeunes qui ont découvert les 24H et qui sont revenus. 2023 a été exceptionnelle, 2024 l’était aussi et je pense que 2025, avec le plateau sportif qu’il y a et le nombre de constructeurs, va être encore un grand moment». A l’international, l’engouement ne se dément pas non plus, si bien que la métropole observe la venue d’une clientèle toujours plus diversifiée. Selon Stéphane Le Foll, «depuis quelques années, on a une saison touristique qui ne cesse d’augmenter avec beaucoup d’étrangers qu’on retrouve d’ailleurs aux 24H : anglais, espagnols, italiens avec le retour de Ferrari, américains, allemands, danois, etc. Le Mans devient un point de passage et on essaye de travailler sur l’allongement des nuitées pour faire en sorte que les gens restent un peu plus qu’une nuit.»
Pour rester un rendez-vous incontournable, l’épreuve entend se réinventer. L’automobile entre en effet dans une nouvelle ère : décarbonation, hydrogène, carburants de synthèse… Autant de défis que les organisateurs prennent à bras-le-corps. «Le plus grand enjeu aujourd’hui, c’est de conjuguer notre héritage avec les enjeux de demain. L’endurance peut et doit être un vecteur de progrès», défend le président de l’ACO. Le tout, sans renier l’ADN du Mans : l’excellence, la passion… et la performance sur la durée. Entre tradition et modernité, les 24 Heures du Mans font battre le cœur économique et culturel de toute une région, tout en préparant l’avenir de l’endurance automobile.
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