En quelques secondes, le monde s’est dérobé sous les pieds ­d’Amélie*, la fondatrice d’une agence de communication parisienne. Sa banque venait de l’appeler pour lui demander de justifier un transfert de 25 000 euros à destination d’une banque chinoise. «Le hic, confie la femme d’affaires, c’est que je n’avais jamais entendu parler de ce virement.» Ni des huit autres, également effectués à son insu en l’espace d’un mois vers des banques de Hong Kong et Canton, pour un montant cumulé de 530 000 euros. Sa propre comptable, loyale salariée depuis vingt ans, avait expédié l’argent sur le compte d’un malfaiteur, pensant exécuter à la lettre les consignes de la patronne…

Cyber-lavage de cerveau

Edifiante «fraude au président» ! C’est le nom de cette escroquerie basée à la fois sur l’usurpation d’identité et la manipulation psychologique. «Ma collaboratrice a été l’objet d’un vrai lavage de cerveau opéré à distance par un malfaiteur se faisant passer pour moi», résume Amélie. Pour réussir ce tour de passe-passe, le voleur a su convaincre la comptable d’agir rapidement et en silence. Son premier ­e-mail, signé du nom de la patronne, faisait miroiter une «acquisition stratégique» qui devait rester confidentielle jusqu’à l’annonce officielle, sous peine d’être sanctionnée par l’Autorité des marchés financiers.

L’arnaque n’est certes pas nouvelle, voilà même vingt ans qu’elle fait des ravages (lire l’encadré). Mais elle passe souvent inaperçue, les victimes redoutant une mauvaise publicité qui les ridiculiserait. «Ce genre de fraude génère un vrai traumatisme dans l’entreprise, au point de provoquer une sorte de déni chez ses dirigeants, confie Frans Imbert-Vier, le PDG d’Ubcom, un cabinet de conseil en stratégie de cybersécurité. Non seulement ils évitent d’en parler, mais ils oublient souvent d’en tirer les leçons.» L’expert cite le cas d’un «industriel français de pointe dans l’aéronautique» roulé deux fois en seulement dix mois, d’abord à hauteur de 20 millions, puis de 12 millions d’euros.

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