
Il y a à peine 10 ans, la fécondité des femmes françaises était de 25% plus élevée que la moyenne européenne. Les dernières statistiques de l’Insee confirment que la tendance est désormais solidement inversée. Au premier semestre de cette année, 8 140 bébés de moins qu’à la même période de 2023, marquant une baisse de 3%. On pourrait se réjouir que ce chiffre révèle une moindre baisse qu’en 2023, qui avait accusé un retrait de 7% par rapport à l’année précédente : 2023 avait enregistré une contre-performance historique depuis la Seconde guerre mondiale, et le ralentissement de la chute ne répare pas l’acquis de baisse et n’endigue pas l’hémorragie. Le taux de fécondité, qui s’est établi à 1,68 en 2023, a diminué dans toutes les tranches d’âge. Pour être plus précis, les femmes françaises ne sont pas moins fécondes qu’avant, mais elles commencent à enfanter plus tard dans leur vie et ont fatalement moins d’enfants.
Les conséquences de cette évolution sont sombres. Si l’on prolonge la courbe, le taux de mortalité et le taux de natalité se croiseront et la population française vieillira et baissera inéluctablement. Les actifs ne suffiront plus à pourvoir aux besoins de ceux qui ne le sont plus, mais aussi de ceux qui vivent des prestations sociales. A l’horizon 2040, le produit intérieur brut de notre pays pourrait perdre 3 points, qui représentent 75 milliards de moins de production de richesse annuelle.
Des objectifs de production de logements en diminution...
Et le logement dans tout cela ? Doit-on prévoir les volumes de construction et la mobilisation du parc existant en fonction de cette érosion tendancielle des besoins ? Doit-on au contraire tenir le logement trop cher et insuffisamment abondant pour responsable de cette pente démographique négative ? C’est là un débat majeur, qu’il est nécessaire d’ouvrir de bonne foi. En clair, les décideurs publics, face au déficit public, pourraient céder à la tentation de constater que la France doit sérieusement réviser à la baisse ses objectifs de production de logements, qu’ils soient libres, intermédiaires ou sociaux. C’est à cette idée que le gouvernement d’Elisabeth Borne, en ouverture du Conseil national de la refondation pour le logement, a préparé la communauté professionnelle et associative : la direction du Trésor y a présenté une étude quantifiant à 270 000 unités la production indispensable, quand toutes les études parviennent à des niveaux entre 450 000 et 530 000.
La Première ministre n’est plus à la tête de l’exécutif, mais le Trésor et ses fonctionnaires sont toujours à la manœuvre… et plus que jamais : la France est sous contrainte budgétaire forte et sous observation de la Communauté européenne, aux règles collectives de laquelle elle a allègrement dérogé. Le FMI nous scrute aussi. Bref, l’approche technique du budget pourrait bien porter au logement un grave préjudice, et si la démographie servait la cause, tout irait bien. Bruno Le Maire soi-même technocratise son approche. Il nous annonce une austérité violente, avec 25 milliards à trouver dans des coupes sombres, dont il est programmé que le logement fasse les frais avec quelques autres ministères.
La politique du logement, un compartiment de la politique familiale
Sauf qu’on ne se demande pas au sommet de l’Etat, ou du moins feint-on de ne pas s’interroger, si les difficultés d’accès au logement ne seraient pas une cause de la baisse de la natalité. Car enfin, le lien est immédiat, et il est cruel. Avec un prix moyen au mètre carré dans les métropoles approchant les 5 000 euros, l’enfant ou l’enfant de plus coûte environ 50 000 euros, soit le prix d’une chambre supplémentaire d’une dizaine de mètres carrés. Pas poétique, mais indiscutable. Des grossesses tardives ? Oui, parce qu’un couple n’aura ces moyens budgétaires que plus tard dans sa carrière, avec des rémunérations suffisantes pour un endettement plus élevé, ou une épargne constituée plus consistante. L’offre trop faible et la cherté des logements entraîne depuis des années une moindre envie d’avoir des enfants alors qu’on est jeune, et dégrade la vigueur de la natalité. Pour le dire autrement, la politique du logement est un compartiment de la politique familiale. Pas de logement ou pas de logement assez grand, pas d’enfant ou pas d’enfant de plus. Le diagnostic est sordide. Les ménages sont en général pudiques et ne le verbalisent pas ainsi. Ils parlent de s’installer dans la vie, d’avoir plus d’aisance…
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Le logement est sans doute la raison majeure de notre asthénie démographique. La poule plutôt que l’œuf, n’en déplaise à ceux qui aimeraient justifier que le pays soutienne toujours moins la production de logements au motif que la demande fléchit. Il y a fort à parier qu’ils en argueront lors de l’âpre débat budgétaire de l’automne. On aura soin de leur rappeler qu’ils se leurrent, ou qu’ils nous bernent.



















