
Leur liste d’attente est interminable, leur carnet d’adresses rempli des noms les plus prestigieux, et les marques les courtisent assidûment. Alix Saint Georges, Diane Servant, Delphine Langlois et Catherine Bourgeois sont devenues les nouvelles prêtresses du rajeunissement au naturel dont on s’échange les numéros comme autant de précieux sésames.
En France, le phénomène est pourtant récent : jusqu’à peu, les praticiennes qui maîtrisaient déjà des techniques de massage profond hésitaient à revendiquer un titre encore flou, peu connu du grand public et non encadré officiellement. La médiatisation de leurs résultats, la curiosité grandissante des clientes et l’essor des réseaux sociaux leur ont donné la légitimité et la visibilité nécessaires pour assumer pleinement cette spécialité.
Sculpter sans bistouri
Ni esthéticienne classique, ni masseuse bien‑être, la facialiste ne traite pas les problèmes dermato (couperose, acné…) mais possède en revanche une connaissance fine de l’anatomie faciale. Véritable artisane du visage, elle analyse les volumes, les tensions musculaires, les expressions, et agit à la fois sur la structure et la dynamique des traits.
Sa spécialité ? Sculpter sans bistouri, repulper sans acide hyaluronique et défatiguer les traits sans toxine botulique. Et ça marche : en cure (compter autour de 200 euros la séance), les effets sont visibles au bout de quelques mois. «On agit sur la structure du visage, pas seulement sur l’apparence de la peau, les muscles sont retendus et la qualité du grain améliorée, détaille Delphine Langlois, pionnière du facialisme en France, et on s’adapte à chaque morphologie et à chaque histoire.» Certaines clientes prennent ainsi rendez-vous dans le but d’espacer leurs injections (compter 300 euros la seringue de Botox et 400 euros celle d’acide hyaluronique en moyenne), d’autres afin de repousser un projet de lifting (à peu près 8 000 euros).
Facialiste, un métier rentable
C’est aussi devenu un métier rentable : une facialiste reconnue facture ses services entre 180 et 400 euros l’heure, et peut dégager plusieurs milliers d’euros de revenus mensuels. «En consultation, on parle d’ailleurs très peu d’âge», témoigne Alix Saint Georges, créatrice du centre de beauté Paume, dans le IXe arrondissement de Paris. Bref, une approche pile dans l’air du temps qui explique pourquoi les facialistes, qui incarnent une nouvelle approche du bien vieillir, séduisent autant leurs clientes que les marques de cosmétiques.
Si les premières viennent chercher auprès d’elles une alternative douce ou un complément aux interventions esthétiques, les secondes en font leurs nouvelles ambassadrices, capables d’expliquer, d’incarner et de crédibiliser une gestuelle et d’accompagner un soin. «Avant, on vendait un produit en réponse à une problématique. Aujourd’hui, on l’inscrit dans un travail musculaire plus global pour en optimiser les effets», analyse Delphine Langlois, qui a collaboré avec Dior, Armani ou encore Oh My Cream ! à l’élaboration de nombreux protocoles de massage.
Un vide juridique autour de la profession
Cette montée en puissance est aussi portée par un facteur décisif : la visibilité numérique. Stories avant-après, tutos, routines, diagnostics morphofaciaux… Instagram et TikTok sont devenus la vitrine des facialistes et leur principal outil de prescription. «Les vidéos m’ont permis d’expliquer ma méthode et d’attirer une clientèle bien au-delà de la France», confirme Diane Servant, formée entre l’Asie, l’Europe de l’Est et le Brésil, et qui partage aujourd’hui son temps entre ses deux studios, à Paris et à Genève.
Mais, derrière le succès rencontré par la discipline, on trouve aussi un énorme vide juridique. Car le titre de facialiste n’est pas encadré, et tout le monde peut donc s’en réclamer. En l’absence de diplôme reconnu par l’Etat, la seule porte d’entrée réglementée reste le CAP esthétique. «On peut suivre une formation expresse de kobido (une technique ancestrale japonaise, NDLR) en quatre jours et ouvrir son cabinet, mais ça ne garantit évidemment pas l’expertise», prévient Catherine Bourgeois, cofondatrice avec Delphine Langlois de l’académie LB Facialistes, l’une des écoles privées qui tentent de poser des bases plus solides pour encadrer l’activité.
«Notre formation dure un an, inclut de l’anatomie et de la biologie, et conduit au titre de praticienne en facialisme (compter 2 350 euros l’année de cours, NDLR)», indique celle qui met également un annuaire officiel de ses diplômées à la disposition du grand public. Car le phénomène s’autoalimente : plus la profession gagne en visibilité, plus les formations se développent. Certaines facialistes comme Diane Servant et Alix Saint Georges ont même déposé leur propre méthode et forment désormais d’autres praticiennes.
Différentes techniques de massage
Mais si les rendez-vous s’arrachent, c’est aussi que ces gestes requièrent une véritable maîtrise et une implication physique intense. «On ne s’improvise pas facialiste, il faut comprendre ce qui se passe sous la peau, et apprendre à ne pas se blesser soi-même», souligne Alix Saint Georges. D’ailleurs, chaque praticienne a développé ses propres protocoles. Certaines sont kiné ou acupunctrices, d’autres sont formées à la méthode Yakov Gershkovich (l’ostéopathe créateur du Sculptural Face Lifting), au kobido ou au drainage lymphatique manuel du Dr Vodder.
D’autres encore exercent le Face Sculpting, qui combine stretching facial et massage intrabuccal. Ce dernier stimule les tissus de l’intérieur de la bouche pour gommer le sillon nasogénien et les ridules du contour. Au final, le facialisme séduit parce qu’il reconnecte la technique et le toucher, la performance et l’émotion, et qu’il offre un luxe rare, celui de se réapproprier son visage. Tout, sauf anecdotique.
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