D’habitude, à Wolfsburg, place forte de Volkswagen dans le Land de Basse-Saxe, on assemble chaque jour des centaines de voitures. Mais en ce lundi 2 décembre, dans la plus grande usine automobile d’Europe, les ouvriers ont troqué leur blouse de travail pour le manteau rouge du puissant syndicat IG Metall. Et leurs huées ont remplacé le grésillement des machines. Ici comme ailleurs dans le pays, 100 000 employés ont participé à une grève d’ampleur. Certes, comme on reste en Allemagne, ce débrayage n’a pas duré plus de deux heures. Mais l'avertissement est sérieux : «Nous pouvons serrer la vis davantage si nécessaire», indiquait alors à Capital Thorsten Gröger, négociateur d’IG Metall. Annonçant un long hiver, le syndicaliste se disait prêt à mener «la bataille de négociation collective la plus dure que Volkswagen ait jamais connue».

Il faut dire qu’en face, la direction envisageait l’impensable : alors que, depuis sa naissance en 1937, le constructeur n’a jamais fermé d’usine en Allemagne, il menaçait d’en supprimer trois. L’accord avec les syndicats a finalement été signé hier, vendredi 20 décembre. Le groupe ne fermera finalement pas de site, mais supprimera, sans départs contraints, 35 000 postes. Une saignée historique, puisque cela correspond à un tiers des effectifs en Allemagne. Pour couronner le tout, l’accord prévoit que les salariés vont se priver des 5% d’augmentation salariale, étalée sur deux ans, pourtant prévue par la branche. Toujours mieux que la solution au départ imaginée: la direction entendait sabrer de 10% le salaire des employés soumis aux accords collectifs dans le pays. «Il n’y a pas de sécurité de l’emploi sans des activités prospères, argumentait Arne Meiswinkel, le négociateur en chef de Volkswagen. Mais pour cela, nous devons réduire nos coûts de main-d’œuvre.»

Désenchantement brutal pour Volkswagen

Pour le puissant attelage de marques généralistes (VW, Seat, Skoda), premium (Audi) et luxueuses (Porsche, Bentley, Lamborghini), la crise dépasse d’ailleurs les frontières allemandes. A Bruxelles, l’usine Audi va s’arrêter en février 2025. En Chine, le groupe va se séparer d’un site au Xinjiang, et des rumeurs de presse prédisent la fermeture d’une autre usine à Nanjing. Tombé malade, le géant de l’automobile s’administre un remède de cheval. Pour un groupe qui, en 2023 encore, voyait ses ventes mondiales progresser de 10%, le désenchantement est brutal.

Voilà donc son chiffre d’affaires en repli de 4% sur la période allant de janvier à septembre 2024. Et si le géant reste rentable, ses profits après taxes n’en ont pas moins dégringolé de façon alarmante, à -31%. L’arrêt soudain du bonus écologique en Allemagne, fin 2023, tout comme le rabotage en cours de cette même aide dans l’Hexagone ont plombé les ventes de voitures électriques. «Ces incertitudes ne contribuent pas à dynamiser le marché. L’âge du parc automobile n’a jamais été aussi élevé en France», souligne Xavier Chardon, président de Volkswagen Group France. Pour ne rien arranger, cette panne du marché de l’électrique risque de priver le groupe des batteries que Northvolt était censé lui fournir. Ce fabricant suédois, dont Volkswagen était le premier actionnaire, à hauteur de 21% (encore valorisés à 693 millions d’euros en 2023), s’est en effet placé en faillite en novembre 2024.

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