
La guerre des navigateurs, que l'on pensait figée depuis des années, est brutalement relancée. L'intelligence artificielle s'invite désormais au cœur de notre navigation web, promettant une expérience plus fluide, intuitive et proactive. La dernière offensive en date vient de Perplexity, une start-up soutenue par des géants comme Nvidia et Jeff Bezos, qui a lancé son propre navigateur, Comet. L'objectif est clair : détrôner le mastodonte Google Chrome et sa part de marché de près de 70 %. Mais Perplexity n'est pas seul. D'OpenAI à Microsoft, en passant par une myriade de nouveaux acteurs, tous rêvent de s'imposer grâce à l'IA. Cette effervescence annonce-t-elle une véritable révolution ou assisterons-nous à l'échec d'une mode coûteuse ?
Comet se présente comme un navigateur nouvelle génération, bâti sur la technologie de Chrome mais avec une différence de taille : un assistant IA intégré en permanence dans une barre latérale. Cet agent, baptisé Comet Assistant, peut résumer un article, analyser une image, rédiger un e-mail ou encore organiser un itinéraire de vacances. L'ambition d'Aravind Srinivas, PDG de Perplexity, est de transformer le navigateur en un véritable "système d'exploitation" du web, capable d'automatiser les tâches fastidieuses et de fidéliser l'utilisateur pour atteindre une "rétention infinie". Une stratégie agressive pour s'attaquer directement à Google sans passer par son moteur de recherche.
Une révolution à 200 dollars par mois
Pourtant, cette promesse a un coût, et il est exorbitant. Pour accéder à Comet, il faut pour l'instant souscrire à l'abonnement Perplexity Max, facturé 200 dollars par mois. Un tarif qui semble déconnecté de la réalité pour le grand public, habitué à la gratuité de Chrome, Safari ou Firefox. Au-delà du prix, les premiers tests révèlent des performances en demi-teinte. Si l'assistant se montre utile pour des tâches simples, il bute sur des requêtes plus complexes, allant jusqu'à "halluciner" des informations incorrectes, comme des dates de réservation erronées. Un manque de fiabilité qui le cantonne pour l'instant au rôle de gadget.

Le principal obstacle reste la question de la confiance. Pour être réellement efficace, Comet Assistant exige un accès quasi total à vos données personnelles : e-mails, calendrier, contacts, et même le contenu affiché à l'écran. Un niveau d'intrusion qui pourrait faire frémir plus d'un utilisateur, malgré les promesses de Perplexity de traiter les données localement et de ne pas les utiliser pour entraîner ses modèles. Ce pacte faustien – céder sa vie privée pour un peu de confort – est au cœur du dilemme posé par ces nouveaux outils.
Une concurrence féroce dans un marché verrouillé
Déloger Chrome et Safari, qui contrôlent plus de 90 % du marché mondial, relève de la mission impossible. L'histoire du web est jonchée de cimetières de navigateurs qui ont tenté, en vain, de s'imposer. Surtout, les géants de la tech ne restent pas les bras croisés. Google intègre à marche forcée des fonctionnalités IA dans Chrome, tandis que Microsoft a fait de même avec Copilot dans Edge. OpenAI, créateur de ChatGPT, travaillerait également sur son propre navigateur après avoir débauché des membres clés de l'équipe originelle de Chrome.
Dans ce champ de bataille surpeuplé, où même des acteurs comme The Browser Company, Opera ou Brave proposent leurs propres solutions, la question de la valeur ajoutée devient cruciale. Pour l'heure, les navigateurs IA s'apparentent à des produits de niche pour technophiles fortunés. Ils devront prouver qu'ils peuvent faire bien plus que résumer occasionnellement un article pour justifier leur prix et les risques en matière de confidentialité. S'ils parviennent à réellement nous faire gagner un temps précieux, ils pourraient s'imposer. Sinon, ils ne resteront qu'une curiosité de plus dans l'histoire mouvementée du web.



















