
La France pourrait-elle lutter plus efficacement contre le narcotrafic?
Pour répondre à cette question, il faudrait encore qu’il existe, dans notre pays, une évaluation rigoureuse des dispositifs de lutte… Prenez le marché de la cocaïne. Depuis trente ans, le prix du gramme a été divisé par 4,5 alors que la qualité n’a jamais été aussi bonne. Si les opérations policières et les saisies de produit réussissaient à déstabiliser le trafic, on n’aurait pas un produit à la fois bon marché et de très bonne qualité. Elles n’y arrivent pas, parce que les organisations criminelles ne sont pas intégrées verticalement – ce sont de petits groupes d’autoentrepreneurs qui louent leurs services. Parce qu’il est très facile de remplacer les petites mains du trafic. Et parce que la lutte contre le marché de la drogue coûte très cher… Les trafiquants, eux, gagnent tellement d’argent qu’ils peuvent facilement modifier leurs modes de production et de distribution.
Quelles approches adoptées ailleurs donnent de bons résultats?
Le Canada a pris aux trafiquants 80% du marché du cannabis en le régulant à partir de 2018, c’est-à-dire en fixant les conditions de son usage légal: quelle quantité peut être détenue par un individu? Où a-t-on le droit de s’approvisionner? Cela permet aux forces de l’ordre de concentrer leurs ressources et leurs efforts sur le marché des autres drogues. Aux Etats-Unis, l’explosion des homicides liés au trafic a provoqué un changement d’approche. Cela a commencé à Boston en 1996, avant de se diffuser dans le pays. L’objectif n’est pas l’éradication du trafic, mais la concentration de l’action pénale sur les membres les plus violents des gangs. Les autres se voient offrir la possibilité d’éviter l’incarcération s’ils abandonnent leurs activités. Avec, en prime, l’appui des services sociaux de la ville en matière de logement, de formation et d’emploi pour se réinsérer. Résultat: une baisse de 14% de la criminalité violente dans les zones cibles.
Les relations entre la police et la population sont loin d’être au beau fixe dans notre pays. Quels exemples étrangers pourraient nous inspirer?
La France souffre de l’absence de dispositif pérenne d’évaluation et de réflexion sur ce sujet. On parle beaucoup de quantité (le nombre de policiers), peu de qualité du service rendu. En Angleterre et au pays de Galles, il en va tout autrement. Les forces de police locales sondent régulièrement, en ligne et de manière anonyme, la satisfaction des usagers vis-à-vis de leurs agents. Au Danemark, c’est toute la formation des policiers qui est organisée autour de la notion de confiance de la population. En Allemagne, les premiers modules du cursus de trois ans portent sur les principes démocratiques et sur la sociologie des différentes villes du pays. Et pour faciliter les relations des forces de l’ordre avec les membres des minorités ethniques, à commencer par les jeunes, certains Länder jouent la transparence en publiant des statistiques sur les contrôles d’identité et en imposant à leurs policiers le port d’un numéro d’identification très lisible.
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