«Nous croyons en la France», a déclaré le patron de Snapchat au sommet Choose France. Lundi 19 mai, Evan Spiegel, à la tête de la société américaine lancée il y a 14 ans, a annoncé intensifier ses activités dans la réalité augmentée en France. Emmanuel Macron a salué cette décision indiquant que le PDG était «plus que bienvenu» pour «passer davantage de temps en France». Et cela tombe bien puisque Evan Spiegel, né à Los Angeles en 1990, a obtenu la nationalité française en septembre 2018 via une procédure spécifique, celle de «l’étranger émérite».

En principe, pour être naturalisé français, il faut justifier d’une durée de séjour de cinq ans sur le territoire mais aussi d’une «connaissance suffisante de la langue française» ainsi que de «l’histoire, la culture et la société française», indique le ministère. Il faut aussi «avoir des revenus stables et suffisants pour subvenir à (ses) besoins et à ceux de (son) foyer fiscal» ainsi que préparer et passer un entretien de naturalisation.

La nationalité française accordée à ceux qui font «rayonner la France»

Le patron de Snapchat n’a pas eu à remplir ces conditions. Il a obtenu la nationalité française au titre de sa participation au «rayonnement de la France». Issu d’un amendement sénatorial datant de 1993, ce dispositif permet d’accorder la nationalité française «à un étranger francophone qui en fait la demande et qui contribue par son action émérite au rayonnement de la France et à la prospérité des relations économiques internationales», selon l’article 21-21 du Code civil. Evan Spiegel, dont le jeune fils, Hart Spiegel, a lui aussi obtenu la nationalité française, parle français, langue apprise à l’Alliance française de Los Angeles, et se présente comme un francophile.

Rares sont ceux qui profitent de cette procédure. «Dix à vingt dossiers de demande de naturalisation au titre de (l’étranger émérite) sont examinés annuellement», précisait une source diplomatique aux Echos en 2019. En 2021, un autre grand patron de la tech en a bénéficié. Pavel Durov, cofondateur de l’application de messagerie Telegram, né en 1984 à Leningrad en Russie, est devenu français alors même qu’il n’y a jamais résidé. Interrogé sur le sujet, Emmanuel Macron a, à l’époque, expliqué son choix : «Je l’ai fait pour Monsieur Durov qui d’ailleurs a pris la peine d’apprendre le français, comme je l’ai fait pour Evan Spiegel, entrepreneur américain, comme je l’ai fait pour des acteurs, des sportifs, et je pense que c’est bon pour notre pays. C’est une très bonne chose. Et je continuerai de le faire…». Depuis, le patron accuse la France d’«ingérence» dans l’élection présidentielle roumaine dont le second tour s’est déroulé dimanche 18 mai.

En 2002, les critères d'appréciation de la notion de rayonnement de la France ont été précisés par le gouvernement après une question du sénateur des Français de l’étranger, Christian Cointat. Le ministère de l’emploi avait alors parlé des «étrangers exerçant des fonctions dans un organisme de coopération français ou pour le compte des délégations françaises au sein de certaines organisations internationales […], des organismes favorisant l’exportation de biens ou de services d’origine française […], enfin les établissements d’enseignement ou de recherche, associations ou institutions participant au rayonnement culturel de notre pays».

D’autres personnalités publiques ont déjà bénéficié de cette procédure particulière. Le basketteur camerounais Joël Embiid a obtenu la nationalité française en 2022 après avoir sollicité le président de la République. Le joueur avait promis qu’il rejoindrait l’équipe de France pour les Jeux olympiques 2024. Il a finalement opté pour l’équipe américaine. Le joueur de rugby sud-africain du stade toulousain Maks Van Dyk a lui aussi été naturalisé français en 2019 après l’avoir demandé au chef de l’Etat. Dans un autre genre, le romancier américain Jonathan Littell a obtenu la nationalité française en 2007 après avoir obtenu le prix Goncourt pour son livre Bienveillantes, rédigé en français.