Un gang passé inaperçu pendant quinze ans. Un avocat parisien, deux notaires, un patron d'entreprise de pompes funèbres, un directeur d'Ehpad, un généalogiste notamment, ont comparu devant la justice dès le mois de mars 2023 devant le tribunal de Cusset (Allier) pour une affaire hors du commun. Ces neuf notables sont alors soupçonnés d’avoir détourné plus de cinq millions d'euros d'héritages de personnes âgées isolées. A la tête de ce réseau, un ancien notaire : Jean-Louis Magnin. Ce dernier avait été radié de l’ordre après avoir été condamné pour abus de faiblesse, rapporte TF1 Info.

Les faits ont commencé en 2015 lorsqu’un vieil homme fortuné, sans héritiers connus, s’est suicidé dans sa maison isolée en pleine campagne. Mais comment Jean-Louis Magnin a-t-il pu en être informé ? «C'est forcément l'entrepreneur des pompes funèbres», déclare Eric Neveu, le procureur de l’époque. Il se fait alors transmettre les documents d'état civil officiels pour monter son vrai-faux dossier d’héritage, grâce aux pompes funèbres. Vient alors le généalogiste. «Il est là pour garantir la sécurité de l'opération. Il a accès à des tas de fichiers qui permettent de vérifier les données sur les successions», assure le procureur.

Les doutes de maître David Oriot

Jean-Louis Magnin fait donc sortir du chapeau un vrai-faux héritier. Ce sont souvent «des proches qu'il connaît depuis longtemps, qui sont là pour donner leur nom, être couchés sur les testaments et brouiller les pistes», rappelle Eric Neveu. Sauf que maître David Oriot, commissaire de justice à Vichy, va mettre en péril cette arnaque. Après le décès de l’homme, il est mandaté «pour dresser l'inventaire de succession». Il met la main sur des testaments croisés des époux.

Jean-Louis Magnin fait ensuite rédiger un faux testament qui désigne un prête-nom idéal qu’il pense hors d’atteinte de la justice française. Ce dernier le fait valider par un notaire en activité au-dessus de tout soupçon. Il n’a pas connaissance du testament trouvé dans la maison du défunt. «On a un légataire universel qui est domicilié au Royaume-Uni, qui habite au Liban. Ce n'est pas une situation banale, donc ça m'interpelle un petit peu», confie maître Oriot. Au moment de comparer les testaments, l’huissier n’a plus trop de doute. «Je suis persuadé que le testament que l'on m'oppose est un faux», avoue-t-il.

Jean-Louis Magnin condamné à quatre ans de prison

Immédiatement, une enquête est ouverte. Alors que Maître Cauvel reconnaît que Jean-Louis Magnin l’aurait manipulé et utilisé pour mener à bien son escroquerie, le procureur Eric Neveu énonce que l’ancien notaire «ne voyait pas les gens comme des humains, mais comme des poules aux œufs d’or». La cour d’appel de Riom (Puy-de-Dôme) l’a condamné, l’année dernière, à quatre ans de prison et 375 000 euros d’amende. Quant aux autres notables cités, ils n’ont pas été condamnés. Alain Cauvel a lui écopé d'une peine de deux ans d'emprisonnement avec sursis«J’ai honte maintenant de dire que j’ai été notaire, j’ai des amis qui ne me parlent plus, qui m’évitent», déplore-t-il, à nos confrères de TF1 Info. Il est décédé quelque temps après