Cocotiers, soleil tropical et taux d’imposition au ras du sable blanc : apparemment, la carte postale ne fait plus rêver nos banquiers. Faut-il y voir l’effet des scandales à répétition qui, des Bahamas Leaks aux Pandora Papers en passant par les Panama Papers, ont souligné à quel point les multinationales, assistées de leurs conseils financiers, excellaient dans l’évasion fiscale à grande échelle, à partir de ces pays offshore ? Toujours est-il que les montants logés par les grands groupes bancaires français aux Bahamas, aux Bermudes ou aux îles Caïmans ne cessent de dégringoler depuis 2019.

Selon les données que nous avons compilées, BNP Paribas et le Crédit agricole n’y déclarent par exemple plus aucun gain, après y avoir respectivement placé jusqu’à 134 et 38 millions d’euros de profits en 2015. Même si la baisse est moins flagrante, les bénéfices logés par la Société générale dans ces destinations ont fondu de 28 à 5 millions d’euros. Et si l’établissement déclare toujours des revenus aux Bermudes, il n’y compte aucun employé. «Cette filiale est pilotée depuis la France, ses revenus sont imposés ici», promet la banque rouge et noire.

«Les entreprises ne veulent plus prendre de risques réputationnels»

Dans ce paysage, seul BPCE fait exception : les recettes que le groupe fédérant les Banques populaires et les Caisses d’épargne dépose dans plusieurs confettis du Pacifique ont en effet progressé. Elles sont passées de 0 à 15 millions entre 2014 et 2023, aux îles Fidji et Salomon. Et avoisinaient 5 millions d’euros aux Caïmans en 2023, sans que le groupe n’emploie personne dans cet archipel des Caraïbes. Interrogé, BPCE n’y voit aucun abus. «Il s'agit d'une holding apportée par une contrepartie étrangère défaillante dans le cadre de la restructuration de sa dette», indique-t-il.

Il ne faut pas chercher bien loin les raisons d’un tel retrait ordonné : «Les entreprises ne veulent plus prendre de risques réputationnels», explique Pascal Saint-Amans, professeur de politique fiscale à HEC. En parallèle, les diverses pratiques d’optimisation fiscale, pour la plupart légales, et qui, selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), rabotaient les recettes mondiales d’impôt de 4 à 10% par an, ont été mieux encadrées. L’OCDE a ainsi mis en place un arsenal connu sous le nom de «projet BEPS» (pour «érosion de la base de transfert de bénéfices»), destiné à compliquer le transfert de profits vers des pays à impôt faible ou nul.

L’effet des premières mesures, parmi la quinzaine adoptées en 2015, se devine donc dès 2019-2020. On voit par exemple disparaître progressivement les cash box, ces entités domiciliées dans un paradis fiscal, avec peu ou pas d’employés. «Longtemps, elles ont récupéré un maximum de profits en facturant aux autres branches de l’entreprise des royalties ou des intérêts de prêts intra-groupe», explique Pascal Saint-Amans.

La suite est réservée aux abonnés
Abonnez-vous à Capital à partir de 1€ le premier mois
  • Accès à tous les articles réservés aux abonnés, sur le site et l'appli
  • Le magazine en version numérique
  • Navigation sans publicité
  • Sans engagement