Bastiat : les coulisses de la fabrication des chaises de Notre-Dame
Jamais cette PME des Landes n’avait enregistré pareille commande ! En juin 2023, c’est la chaise que Bastiat édite sous sa marque Bosc, et spécialement conçue par la designer Ionna Vautrin, que choisit le diocèse de la capitale pour poser ses pieds dans la nouvelle Notre-Dame de Paris. Depuis cette date, c’est le branle-bas de combat à Hagetmau (40), berceau historique de la société, pour produire les 1500 exemplaires demandés. Le défi est de taille, car il faut honorer la commande dans les délais, sans désorganiser cette structure de 16 salariés.
Spécialiste du siège depuis sa création en 1964, Bastiat a d’abord assis sa réputation sur la chaise en hêtre avec assise en paille, avant de se diversifier dans les fauteuils et canapés, fabriqués pour des enseignes d’ameublement. Puis de monter en gamme, en réponse à l’industrialisation rapide du secteur. Au sein de la PME, les ateliers de menuiserie, d’ébénisterie, de tapisserie ou de couture se mettent alors à servir davantage les éditeurs parisiens et les architectes d’intérieur. Au point que, avant la chaise Notre-Dame, son modèle phare était devenu le Duffle, un canapé bas et profond.
>> En images - notre reportage dans les ateliers de Bastiat, à Hagetmau.
Bastiat espère doper de 40% son chiffre d’affaires en 2024
Dans les environs, une kyrielle d’autres fabricants avaient aussi fait de la chaise leur spécialité, transformant Hagetmau en une «capitale européenne du siège» autoproclamée. Mais de ce riche passé industriel, il ne reste plus grand-chose aujourd’hui, à l'exception d'une chaise en bois de 10 mètres de haut, trônant sur un rond-point à l’entrée de la ville. Et Bastiat, donc, reconnue «entreprise du patrimoine vivant» (EPV) en novembre 2020, malgré un chiffre d’affaires divisé par deux en vingt ans (1,4 million d’euros l’an dernier).
Autant dire que, pour la PME, cette commande du diocèse de Paris, pour un montant tenu secret, fait figure de bénédiction. Bastiat, qui a pu investir dans une machine d’usinage à commande numérique, espère ainsi doper de 40% son chiffre d’affaires cette année, à 2 millions d’euros. Et bénéficier d’un sacré coup de projecteur : les 15 millions de visiteurs annuels de la cathédrale pourront en effet s’asseoir sur des chaises maison… «On savait que c’était un contrat prestigieux, mais on a encore plus senti le poids de nos responsabilités au travers du regard des gens. Ce projet fait la fierté de Hagetmau et des Landes: ça nous porte», explique Sylvain Bastiat, le petit-fils du fondateur de l’entreprise, qui se prépare à succéder à son père.
Une demi-journée de travail par chaise
Le modèle dessiné par Ionna Vautrin, en chêne massif, a beau être «d’apparence simple et épurée», il n’en exige pas moins un travail de précision, commencé en janvier 2024. Alors que les planches arrivent directement des forêts de Sologne et du Morvan, la simple réalisation du dossier nécessite un passage de dix-sept minutes sur la machine numérique. Et comme les multiples étapes de ponçage prennent aussi du temps, il faut compter environ une demi-journée de travail par exemplaire. «Cette chaise met bien en valeur notre savoir-faire», avance le trentenaire.
Mais pas seulement: si l’entreprise assure 90% de la fabrication, elle s’est rapprochée de partenaires locaux pour les étapes qu’elle ne maîtrisait pas. Les pieds sont ainsi travaillés par Xavier Favaro, un des rares tourneurs sur bois français, installé à 1 kilomètre de là. Les attaches en laiton, qui permettent d’accrocher les chaises entre elles, sont usinées chez Almeca, à Saint-Paul-lès-Dax. Tandis que Woodstache, un autre prestataire landais, réalise les gravures sur le bois, aux initiales ND. Par ailleurs, en Bourgogne, les ateliers du Groupe Ducerf préparent l’assise en chêne lamellé-collé. «Nous sommes tous boostés par cette commande», se réjouit Sylvain Bastiat.
Et après ? Si Ionna Vautrin et Bastiat ont abandonné leurs droits sur le modèle, le diocèse s’est engagé à faire appel à la société s’il fallait changer des chaises, ou en acheter davantage. Pour le reste, cette création n’est pas à vendre, et la chaise Notre-Dame ne sera donc qu’à Notre-Dame. Même si Bastiat espère lancer un petit frère inspiré de ce modèle, en 2025. Une autre façon de multiplier les pains…
Retrouvez le reportage sur la fabrication des chaises chez Bastiat.
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