Dans le premier épisode de notre portrait de Magali Berdah, vous avez découvert les premiers pas de cette entrepreneuse atypique qui, avant de devenir agente des stars de la télé-réalité, avait débuté dans le secteur de l'assurance. Une aventure mouvementée, qui lui a fait frôler la ruine. Et qui lui a même valu, pour des faits remontant à 2014 et 2015, d'être jugée pour banqueroute et blanchiment. Avant d'être finalement relaxée par la justice ce lundi 25 novembre, tandis que sa mère a, elle, été partiellement condamnée. Dans ce deuxième épisode de notre portrait, découvrez comment cette commerciale dans l'âme est devenue une pionnière de l'influence en fondant l'agence Shauna Events...
L’influence, c’est en effet le métier qui va sortir Magali Berdah de ses difficultés financières liées à ses activités dans l'assurance. En 2016, la commerciale autodidacte rencontre par hasard Jazz, ex-candidate de «Qui veut épouser mon fils ?» (TF1) et des «Anges de la téléréalité» (NRJ12). Elle apprend que la belle brune va faire la promotion d’un hôtel niçois sur Instagram, en échange de nuitées gratuites. «Il faut demander de l’argent, pas des nuits d’hôtel !» Magali Berdah mène la négociation, et décroche un contrat de 3 000 euros. Jazz lui pose alors une question qui va changer sa vie : «Magali, tu ne voudrais pas t’occuper de moi ?» Quelques mois plus tard, la commerciale crée Shauna Events, du nom de sa fille aînée.
Nabilla Benattia, Jessica Thivenin... Le puissant réseau tissé par Magali Berdah
En 2016, l’influence n’est qu’un phénomène balbutiant en France. Mais Magali Berdah en est convaincue : il y a de l’or à faire avec ces vedettes de téléréalité, abandonnées à elles-mêmes dès qu’elles sont évincées de leur émission. Plus question que ces starlettes, riches d’une armée d’abonnés, se contentent des quelques avantages matériels consentis par les marques. C’est ainsi qu’en deux ans, la facture qu’elle négocie passe de la centaine d’euros par affichage sur Instagram à 5 000 euros par post, dans le cas des plus grandes stars, grâce au placement de produit.
Sur chaque contrat, l’agence empoche une commission de 20 à 30%, dont 5 à 10% reviennent au commercial, souvent sous statut de free-lance, qui a déniché la star ou la marque. Dans son catalogue de célébrités, que la patronne appelle toutes «ma chérie !», on retrouve Nabilla Benattia des «Anges», Jessica Thivenin des «Marseillais», ou Milla Jasmine des «Princes de l’amour»… «Magali Berdah a pris tout le monde de court. Elle a réussi à tisser un réseau très fort rapidement», se souvient, beau joueur, Boris Deltell, concurrent et fondateur de Shop My Influence.
La ruée vers l'or de l'influence, sous la bannière de Banijay
Dans la foulée, Magali Berdah approche une autre star, des affaires cette fois : le milliardaire Stéphane Courbit. Le fondateur du groupe Banijay, qui compte dans son catalogue aussi bien «Fort Boyard» que «Koh-Lanta», voit vite le potentiel d’une association : les stars des shows qu’il produit pourront être vendues comme influenceurs par Shauna Events. Il annonce donc en janvier 2018 l’acquisition de la structure. «Cela prouve que j’ai eu de bonnes idées», se flatte Magali Berdah.
Sous la bannière de Banijay, le développement de Shauna Events prend des allures de ruée vers l’or. «Les gens pensaient que travailler avec les influenceurs allait les rendre riches», se souvient Edouard *, un ancien commercial. Une filiale à Dubaï, où ces profils s’installent pour raisons fiscales, est ouverte ; 40 personnes démarchent les marques et gèrent l’écurie de stars. Entre 2019 et 2020, le chiffre d’affaires de l’agence double pour atteindre 42 millions d’euros, avec 2,2 millions d’euros de bénéfices. Grâce aux commissions réalisées sur chaque campagne, «on gagnait très bien notre vie», confie Edouard, qui pouvait percevoir 4 500 euros de revenu net mensuel. «Magali Berdah a créé des carrières. Elle a sorti certains influenceurs de vies compliquées», résume Matthieu Jos, un agent artistique qui travaille toujours avec Shauna Events. «Sans elle, je n’aurais jamais signé avec L’Oréal», salue de son côté Mathias Lawal, un de ses anciens prestataires.
Travailler avec Magali Berdah ? «Un enfer», selon un ancien salarié
Mais cet argent n’a pas forcément fait le bonheur des collaborateurs de Shauna Events. «Travailler avec Magali Berdah, c’est un enfer, résume Edouard. Elle crie quotidiennement, insulte et rabaisse les collaborateurs.» Le commercial se souvient avoir vu «des employés tomber en dépression et partir du jour au lendemain». Si la rémunération était élevée, le rythme de travail l’était tout autant, comme le décrit Marius *, un autre ancien de l’agence qui n’a pas échappé, lui non plus, aux cris de Magali Berdah. «Je travaillais jusqu’à 1 heure du matin, sans jour de repos», soupire-t-il.
Déconnecter le week-end, c’était en effet risquer de voir son client confié à un collègue. A l’époque déjà, il n’était pas rare que des collaborateurs soient invités à dormir chez la patronne. «Magali leur disait : “Vous êtes de la famille !” Mais, derrière, elle les faisait travailler jusqu’à minuit», poursuit Edouard. Ces anciens collaborateurs rapportent aussi des tensions avec les influenceurs, dont certains se plaignent de retards de paiement (voir encadré ci-dessous). Que faisaient alors les directeurs de Banijay Talent, la structure chapeautant Shauna Events ? «Rien», répond Edouard. «Banijay faisait semblant de ne pas voir, pour éviter d’entrer en conflit avec elle», complète Marius. Contacté par Capital, le groupe n’a pas souhaité s’exprimer. C’est donc une Magali Berdah «ingérable», selon ces témoignages, qui pilote sans sourciller Shauna Events. Jusqu’en juin 2022, où une tempête éclate sur les réseaux sociaux...
Des influenceurs floués ?
Entre Shauna Events et ses influenceurs, la liste des contentieux est longue. En mai, Maeva Ghennam et Milla Jasmine, deux ex-candidates de téléréalité, portaient plainte contre X pour escroquerie. Très remontée après la soirée organisée par Magali Berdah au Théâtre Mogador, lors de laquelle la dirigeante a annoncé ses nouveaux projets, Milla Jasmine dénonçait sur ses réseaux «le culot» de son ex-agente : «C’est quoi le projet ? (...) Tromper les apparences et carotter (sic) de nouvelles personnes ?» Selon des documents de justice consultés par Capital, Jessica Thivenin, une autre star de téléréalité, attendait encore, en août 2023, 429 894 euros de paiements en retard. Tandis que, début 2023, le tribunal de commerce de Paris condamnait Shauna Events et Sublim Talent (une autre agence créée par Magali Berdah) à payer 1,8 million d’euros à Vlad Ocean et Emma Paris pour factures impayées et rupture abusive de contrat. «A côté d’une dizaine d’influenceurs richissimes, certains ont construit des carrières plus précaires et ont besoin de cet argent. Cela a des conséquences énormes sur leur vie», plaide l’avocat Tom Michel, qui représente plusieurs de ces victimes présumées. Selon nos informations, Shauna Events conteste plus de la moitié de ses créances, dont certaines seraient «en double, sur différentes sociétés du groupe», peut-on lire dans un document de l’entreprise.
*Les prénoms ont été modifiés.
Dans le troisième et dernier épisode de notre portrait, vous retrouverez les années noires de Magali Berdah : sa bataille judiciaire contre le rappeur Booba, son combat contre le cyberharcèlement, les difficultés financières de Shauna Events... Mais découvrez aussi ses nouveaux projets pour redresser son agence d'influenceurs.
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