Jeudi dernier, une douche froide s’est abattue sur Londres. Burberry a annoncé son projet de supprimer 1700 postes, soit près de 18% de ses effectifs, en réponse à la publication de très mauvais résultats pour son exercice 2024. Un second plan d'économies, six mois après avoir annoncé un recentrage "d'urgence" de ses activités.

Il faut dire que les résultats du groupe prennent l'eau. Après une année 2023 qui s’était achevée par la publication d’un bénéfice de 270 millions de livres, le fleuron britannique a plongé dans le rouge en 2024, affichant cette fois une perte nette de 75 millions de livres, soit plus de 89 millions d’euros. En cause, le bond en arrière de ses ventes (-18%), retombées à 2,5 milliards de livres, soit un peu moins de 3 milliards d'euros.

A 2150 euros, le trench Burberry est devenu inaccessible

Certes, Burberry pointe du doigt la baisse de son activité en Asie, mais est-ce la seule cause de ses malheurs? La marque semble aussi avoir poussé un peu loin sa logique de premiumisation, alors que l’étiquette de son emblématique trench s’est envolée et affiche aujourd’hui 2150 euros. Un prix devenu inaccessible pour beaucoup.

Longtemps, la montée en gamme de ses collections a continué à séduire la clientèle asiatique, au pouvoir d’achat élevé, sans interroger. Mais depuis que la Chine a resserré son contrôle sur la politique des cadeaux, les ventes des marques de luxe patinent dans le pays-continent. Et Burberry qui réalisait presque la moitié de son chiffre d'affaires dans la région, en paie le prix. Cependant, les difficultés de la Chine ne suffisent pas à expliquer le trou d'air de la marque au célèbre tartan.

«Les difficultés en Asie sont de nature conjoncturelles, la cause de la chute est plus profonde, estime Benjamin Legourd, cofondateur de la marque Atelier Particulier. Burberry, c'est une marque haut de gamme, identifiée sur le vêtement de pluie, qui a cherché à devenir une marque de luxe. Ils ont oublié leur patrimoine pour aller faire de l'ersatz de Kering ou LVMH, sans en avoir le talent». Face à ces difficultés, l'entreprise prévoit de se serrer encore davantage la ceinture. La semaine dernière, un nouveau plan d'économies de 60 millions de livres est venu s'ajouter aux 40 millions déjà annoncés fin 2024.

Pendant que Burberry faisait flamber ses étiquettes, scandinaves et japonais ont imposé leur esthétique du vêtement de pluie

La marque a commencé à repositionner ses collections sous un slogan plutôt bien trouvé «It’s always a Burberry weather». Sous entendu, il fait toujours un temps à porter du Burberry, ou encore, il pleut souvent. Sauf que pendant que l’icône britannique réfléchissait à être à la mode et faisait flamber ses étiquettes, une nuée d’acteurs ont réinvesti le vêtement de pluie.

A l’instar de la marque danoise Rains. Née en 2012, la griffe a renouvelé le genre et apporté l'esthétique scandinave au vêtement fonctionnel, développant des imperméables à la fois pratiques et chic, rapidement adoptés par les citadins, notamment les adeptes du "vélotaf". La marque a mis les bouchées doubles et franchi la barre symbolique des 100 millions d'euros en 2024, soit un triplement de ses ventes en trois ans. Cela reste évidemment petit face à Burberry et ses 160 ans d'histoire et près de 3 milliards de chiffre d'affaires.

Mais Rains ne se contente pas d'être une marque de vêtements et accessoires. En inscrivant son nom au calendrier de la Fashion Week homme de Paris dès 2022, le fabricant a montré sa stratégie de conquête de la "fashion-sphère". Et ce, avec des imperméables à "seulement" 200 euros, soit dix fois moins onéreux qu'un trench Burberry!

Tissus techniques et élégance intemporelle

En plus de cette nouvelle marque au succès notable, d'autres acteurs qui ne sont pas nés de la dernière pluie ont aussi renouvelé l'offre et apporté des propositions mode à des prix plus raisonnables. Notamment Uniqlo, avec sa ligne de parkas Bloktech qui mêle tissu technique et élégance intemporelle à la japonaise. Ou encore K-Way qui, après une traversée du désert, a réalisé un impressionnant come-back ces cinq dernières années, avec une large gamme de coupe-vent et d’imperméables nouvelle génération. Au-delà du modèle pocket, K-Way a développé des vêtements de pluie chics et solides, de toutes longueurs, et dans un vaste choix de coloris. Sans parler du carton des doudounes Jott, ou de la marque Save The Duck.

Ces différentes offres ont séduit des consommateurs qui, hier, auraient envisagé d'économiser pour s'offrir un Burberry comme on s'offre une jolie montre. «Le luxe a dégradé la qualité et augmenté ses prix sans justifier la différence. Cette stratégie de montée en gamme a noyé les repères du consommateur et gommé le sentiment patrimonial, d'héritage», regrette Benjamin Legourd. Charge à Burberry de revenir aux fondamentaux et d'expliquer pourquoi ses pièces valent (ou non) de tels prix. Le Britannique a déjà annoncé son recentrage sur ses fondamentaux. Mais s'il est facile de pivoter quand un secteur est en croissance, le retournement actuel du marché du luxe, sous pression des nouvelles taxes américaines et du coup de frein chinois, risque de compliquer la tâche de la direction de Burberry. Même pour une marque qui a fait du mauvais temps son terrain de jeu!