Et deux de plus ! L’hécatombe continue dans l’univers de la mode. Après l'enseigne de mode Jennyfer, placée en liquidation judiciaire en avril et Naf Naf une nouvelle fois en redressement fin mai, c’est au tour de Comptoir des Cotonniers (vêtement pour femmes) et de Princesse tam tam (lingerie) de se retrouver dans la tourmente. À leur demande, ces deux entités ont été placées en redressement judiciaire ce mercredi 2 juillet par le Tribunal des Activités économiques de Paris. Rachetées en 2005 par le géant japonais Fast Retailing (la maison mère d’Uniqlo), les deux griffes peinent à retrouver le chemin de la rentabilité depuis plusieurs années.

Contacté par Capital fin juin, le groupe Fast Retailing France nous a répondu que «cette demande de placement en redressement judiciaire vise à préserver les emplois autant que possible et à redresser l’activité des sociétés en leur permettant de retrouver une trajectoire économique viable et pérenne dans le cadre d’un plan de redressement et d’un projet de réorganisation socialement responsables». Parmi les chantiers évoqués par le groupe : la rationalisation du réseau de distribution en réduisant le nombre des magasins et en privilégiant un modèle de boutiques plus grandes, hybrides (vente assistée et vente en libre-service) et combinées (présence des marques Comptoir des Cotonniers et Princesse tam tam). «Pendant toute la durée de la procédure, Fast Retailing France et ses marques resteront en activité sous l’égide de deux administrateurs judiciaires», assure le groupe.

Des ventes en baisse de 12 à 13% en trois ans

En difficulté depuis plusieurs années, ces deux griffes avaient déjà réduit la voilure en 2023. 28 points de vente Comptoirs des Cotonniers sur les 67 exploités dans l'Hexagone ont fermé, engendrant la suppression de 110 postes en CDI sur les 272. Pour Princesse tam-tam, 27 magasins sur 69 ont baissé le rideau et 84 postes sur 235 ont disparu. Mais cette cure d’austérité n’a visiblement pas suffi. Selon Pappers, en trois ans, Comptoir des Cotonniers a vu son chiffre d’affaires fondre de 72,2 à 63,4 millions d’euros (-12%) et celui de Princesse tam tam dégringoler de 50,4 à 43,9 millions d’euros (-13%). Et dans les deux cas, les pertes s’accumulent année après année.

Alors où est passée la magie de ces deux marques créées dans les années 1980-1990 ? «Elles n’ont pas su se réinventer», nous indique David Robin, associé chez Colombus Consulting. Positionnées sur le segment premium, elles ne justifient plus leurs prix, ni par la qualité, ni par un engagement fort. Fabriquées en Asie, Turquie ou Europe de l’Est… exactement comme les enseignes mass-market qu’elles prétendent dépasser. Leur autre talon d’Achille ? Un désamour générationnel. Comptoir des Cotonniers et Princesse tam tam ont séduit les trentenaires d’hier mais ne parlent plus aux jeunes femmes d’aujourd’hui. Les dernières égéries ? Charlotte Gainsbourg et Camille Rowe en 2016. Depuis, silence radio. Pas de storytelling, pas de souffle. «Nombreuses sont les marques à avoir eu leur moment de gloire à une certaine période mais ces succès s’essoufflent dans la durée et le problème réside dans le fait de ne pas savoir se renouveler…», ajoute David Robin.

La liste noire pourrait encore s’allonger

Néanmoins, ces marques suscitent encore de l'intérêt. L’ancien boss de Comptoir des Cotonniers, Frédéric Biousse, aux manettes entre 2003 à 2007 n’exclut pas de revenir dans la danse aux côtés de Fast Retailing ou de nouveaux investisseurs. Pour David Robin, le come-back s’annonce périlleux. «Il va falloir des capitaux pour relancer les collections. Il n’y a pas beaucoup de marques de mode qui ont réussi à se relever après des passages en redressement judiciaire». D’ailleurs Princesse tam tam et Comptoir des Cotonniers risquent de ne pas être les dernières victimes d’un secteur asphyxié par des loyers stratosphériques, d’une digitalisation coûteuse, et d’une clientèle qui se tourne de plus en plus vers des marques ultra low cost comme Shein et Temu. «Les difficultés sont toujours là. Les marques situées entre le luxe accessible et le mass-market ont beaucoup de mal à relever la tête…», ajoute le consultant.