
Pour le secteur du photovoltaïque, l’année 2024 avait pourtant été faste. Boom de l’autoconsommation, installations records de panneaux solaires en toitures, cette filière d'électricité verte affichait un dynamisme encore jamais vu en France. Au point de devenir le principal moteur du développement des énergies renouvelables. Mais le gouvernement a décidé de freiner cette envolée.
Cela faisait déjà plusieurs mois que l’on sentait monter un revirement, notamment à travers des tribunes politiques dans des journaux, contre les énergies renouvelables et le solaire, nous confie Xavier Daval, vice-président du Syndicat des énergies renouvelables et PDG du cabinet de conseil technique KiloWattsol. On n'a donc pas été surpris de ce qui est arrivé par la suite.
Pour verdir son énergie, la France comptera moins sur le soleil
Il y a eu le coup de boutoir porté par la Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE 3), la feuille de route qui doit définir les priorités énergétiques de la France et donner de la visibilité aux industriels. La version mise en consultation début mars a soudainement stipulé que les objectifs de capacités solaires seront désormais compris entre 65 et 90 gigawatts en 2035, et non pas entre 75 à 100 comme prévu jusque-là.
Pour 2030, seuls 54 GW seraient attendus contre 54 à 50 GW, sachant que 25 GW sont déjà installés. A cela, il faut ajouter la baisse du dispositif de soutien au solaire, entérinée par un arrêté publié ce jeudi 27 mars et entré en vigueur ce 28 mars.
Les particuliers lourdement impactés
Officiellement, le gouvernement entend «encourager à se tourner vers l’autoconsommation», comme l’explique le cabinet du ministre de l’Energie Marc Ferracci. Certes, il n’est désormais plus possible de vendre la totalité de sa production solaire à EDF. Mais les conditions se durcissent aussi considérablement pour les autoconsommateurs.
La prime d’investissement, versée un an après l’installation, passe au tarif unique de 80 euros le kWc contre 160 à 210 le kWc auparavant pour les configurations d’une puissance inférieure à 9 kilowatt-crête (kWc), soit celles de la plupart des particuliers en France. Pour compenser ce coup de rabot, les professionnels du secteur réclamaient une baisse immédiate de la TVA, avec un passage au taux réduit de 5,5%. Ils n’ont pas été entendus, la loi de finances 2025 ne prévoyant cette ristourne qu'à partir du mois d’octobre prochain. «Cette suppression immédiate des aides crée un problème de transition et risque d’inciter les consommateurs à reporter leurs projets», déplore encore Xavier Daval.
A cela, s’ajoute une réduction du tarif d’achat. Car il faut savoir que les propriétaires ne consomment en moyenne que 60% de leur production et revendent le reste à EDF. Toujours concernant les installations inférieures à 9 kWc, le tarif passe de 12,69 euros le kilowattheure (kWh) à seulement 4 euros. Plus question dans ces conditions de rentabiliser son investissement en seulement 10 ans comme c’était le cas auparavant. Et cela va faire réfléchir à deux fois ceux qui envisageaient de s’équiper.
Faut-il craindre des faillites chez les artisans ?
«Ce cumul de difficultés risque de plonger un grand nombre de petits installateurs dans plusieurs mois d’attente sans chantiers, d’autant plus que les conditions d’accès à la TVA réduite sont encore inconnues», ont alerté dans un communiqué de presse commun le syndicat des professionnels de l’énergie solaire Enerplan et le syndicat des énergies renouvelables (SER). Les deux acteurs pointent aussi l’incertitude planant sur les installations plus puissantes de 100 à 500 kWc, ayant obtenu un répit jusqu’en juillet seulement sur le tarif d’achat à 95 euros le kWh.
La filière, qui revendique 25 000 emplois directs et 67 000 en comptant les emplois indirects, craint des faillites parmi ses artisans, sans être capable de chiffrer les impacts potentiels. C'est la raison pour laquelle la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCC) redoute «un coup de frein au développement de projets photovoltaïques territoriaux», alors que le secteur aurait généré 12 milliards d’euros d’activités en 2023.
Interrogé à ce sujet, le cabinet du ministre Marc Ferracci a botté en touche. «Les dispositions que nous proposons doivent permettre de garantir un équilibre économique à la filière», a-t-il affirmé, rappelant avoir cédé sur le maintien provisoire du tarif de 95 euros, et consenti à ce que la baisse des aides ne soient pas rétroactives au 1er février. Mais il a surtout rappelé pourquoi le dispositif avait été revu : «maîtriser l’emballement pour le photovoltaïque».
Le solaire victime de son succès
Il y a un mois, le ministre Marc Ferracci avait justifié ce revirement du gouvernement au sujet du solaire en partageant un message sur LinkedIn. «En 2024, les souscriptions pour le petit photovoltaïque sur bâtiment ont explosé, jusqu’à représenter 200 % des prévisions de la Programmation Pluriannuelle de l'Energie. Un recentrage est nécessaire. Ces installations ont un coût de production plus élevé que les installations de puissance supérieure, lié à leur structure mais également aux coûts de raccordement.»
Il ne s'agit donc pas seulement de mettre le holà sur les aides, mais aussi d'éviter l'explosion des frais d'Enedis, le gestionnaire du réseau de distribution de l'électricité. En 2024, il a raccordé 200 000 nouvelles installations d'énergie renouvelable, soit 20% de plus qu'en 2023, et en majorité du solaire. Il a prévu que cela devrait lui coûter 10 milliards d'euros sur la période allant de 2022 à 2040.
A la question de savoir combien ces dispositions vont permettre d'économiser, le ministère répond qu'il est difficile d'établir des projections sans connaître les tarifs et le nombre de demandes lors des appels d'offres qui auront lieu cet été pour les installations de 100 à 500 kWc. Mais il estime être en ligne avec les économies prévues sur les énergies renouvelables par la loi de finances 2025.



















