C’est un joli lopin de terre : plus de 600 hectares au cœur de la vallée de Chevreuse, à cinquante minutes de Paris. Avec son château XVIIIe siècle et ses imposants corps de ferme, le domaine de la Boissière a été racheté en 2019 pour 18,4 millions d’euros. Pas pour y ouvrir un palace, mais le plus grand campus agricole du monde. Fin janvier, à voir les ouvriers s’activer, l’affaire n’était pas encore réglée. Pourtant, dès septembre, cette école baptisée Hectar formera 2.000 étudiants par an aux métiers agricoles. Gratuitement, et quel que soit leur parcours. A éplucher les permis de construire, on découvre que l’institut comptera de vastes salles de classe, une cantine de 200 places, des cultures certifiées bio et une laiterie, avec ses dizaines de vaches normandes. A l’origine de ce chantier bucolique ? Audrey Bourolleau, l’ex-conseillère agriculture d’Emmanuel Macron à l’Elysée. Bien aidée, selon nos informations, d’un associé encore passé incognito : Xavier Niel. Le milliardaire connu pour former des développeurs informatiques se met donc à faire pousser des agriculteurs…

Voir grand et frapper vite, là où on ne l’attend pas : voilà un bon aperçu de la méthode Niel. Rien qu’en 2020, entre deux confinements, le patron de Free et sa task force auront commercialisé une nouvelle box, lancé leur offre 5G en France et racheté le leader du mobile polonais. En parallèle, entouré de partenaires divers, la treizième fortune de France aura pris le pouvoir chez le roi des centres commerciaux Unibail, finalisé les rachats de trois journaux (Nice-Matin, Paris-Turf et France-Antilles), introduit en Bourse un fonds destiné à racheter un géant de l’alimentation durable, géré un colossal parc immobilier d’hôtels, de logements et de bureaux, ou encore investi dans une centaine de nouvelles start-up… A se demander comment le nouveau parrain du business français s’y prend.

Comme peuvent le constater ses proches, ses drôles de journées commencent vers 7 heures 30. Celui qui donne son mail à qui le demande consacre sa matinée à traiter les 2.000 courriels reçus chaque jour. Mieux qu’un banal Gmail, le geek a développé son propre serveur avec des filtres adaptés (perso, presse, Free…), pour régler l’affaire au plus vite et archiver l’ensemble de ses échanges. Un souci d’efficacité assez caractéristique : il se déplace aussi bien en taxi qu’en trottinette (priorité au plus pratique), alterne entre deux uniformes (jean et tee-shirt ou chemise et costume Dior) et commande "la même chose" que son invité au restaurant, histoire de s’épargner une énième décision.

L’après-midi, il rejoint son bureau vitré au siège de Free. Une tour de contrôle en désordre avec ses cartons de bonbons, des tas de colis encore fermés et un mur de trois écrans d’ordinateurs, où les rendez-vous s’improvisent. "Xavier s’oblige à laisser une grande part de son agenda ouvert, ça lui permet de s’adapter et de rester disponible, explique un de ses associés clés, le banquier d’affaires Matthieu Pigasse, ex-patron de Lazard France. Il se déplace partout, il a besoin de sentir les choses, de discuter." Depuis sa montée au capital d’Unibail, il court par exemple les centres commerciaux pour apprendre le métier de bailleur. Mais le gros de son temps, il se plaît du moins à le rappeler, est consacré à son premier bébé : Free.

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