Après avoir baissé d'un point depuis leur pic de 4% atteint il y a deux ans, les taux de crédit immobilier stagnent depuis le printemps dernier. Ils augmentent même, légèrement, de l’ordre de 0,10 point, dans certaines banques, contraintes de répercuter sur leurs clients la hausse de leurs coûts de financement sur les marchés financiers. Le rendement de l’obligation assimilable du Trésor (OAT) à 10 ans, c'est-à-dire la rémunération exigée par les investisseurs internationaux pour prêter à la France sur les marchés financiers, est en effet passé de 3,13% en mai dernier à 3,51% ce mercredi 8 octobre, en raison de la dégradation des finances publiques du pays et de son instabilité politique. Au cours de la seule journée de lundi, le taux de l’OAT a bondi à 3,60%, à l’annonce de la démission surprise du tout récent Premier ministre Sébastien Lecornu.

Or «la suspension de la réforme des retraites» de 2023, une éventualité brandie mardi soir par la ministre démissionnaire de l'Education, Elisabeth Borne, pour tenter de convaincre la gauche de former un gouvernement et de doter dans les temps la France d’un budget pour 2026, «ferait (encore) plus de mal à un marché obligataire déjà nerveux que la démission de Sébastien Lecornu», prévient Ludovic Huzieux, directeur général d’Artémis Courtage, lors d'une conférence de presse ce mercredi. Car «la démission du Premier ministre est avant tout un événement politique alors qu’une suspension de la réforme des retraites creuserait encore les finances publiques», explique-t-il.

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Des taux de crédit immobilier entre 3,40% et 3,50% fin 2025

Le ministre de l'Economie démissionnaire Roland Lescure a en effet déclaré ce mercredi qu'une suspension de la réforme des retraites coûterait à la France «des centaines de millions d'euros en 2026 et des milliards en 2027». Au moins trois milliards d'euros en 2027, a précisé Sébastien Lecornu ce mercredi soir. Des chiffres qui devraient fortement déplaire aux agences de notation financière Moody’s et Standard and Poor’s, qui actualiseront respectivement le 24 octobre et le 28 novembre la note de solvabilité de la France, abaissée par leur consœur Fitch il y a quelques semaines. Or une dégradation de la note de solvabilité d’un pays entraîne généralement une hausse des taux auxquels les investisseurs lui prêtent sur les marchés, puisqu'ils le considèrent plus risqué.

«Via la remontée des taux d’emprunt de la France, une suspension de la réforme des retraites pourrait déclencher une hausse des taux de crédit immobilier», estime auprès de Capital Caroline Arnould, directrice générale du courtier Cafpi. «Mais cela ne serait probablement pas une explosion soudaine, plutôt une montée progressive sur plusieurs mois», nuance-t-elle, imaginant un taux de crédit moyen à 3,40% dans les prochains mois, contre 3,20% aujourd'hui. De la même façon, Ludovic Huzieux anticipe «un renchérissement du crédit sans violence, avec un taux de crédit moyen à 3,50% d’ici à la fin de l’année. Ce qui ne changera pas la face du monde» pour les emprunteurs.

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Lecornu attentif aux taux de crédit des Français

Leur consœur Sandrine Allonier, porte-parole du courtier Vousfinancer, voit à cet égard «une bonne nouvelle» dans le discours prononcé par Sébastien Lecornu ce mercredi matin. Le chef du gouvernement démissionnaire a assuré que les partis politiques avec lesquels il s'entretient pour tenter de sortir de la crise politique partagent «la volonté de doter la France d'un budget avant le 31 décembre 2025, (notamment) pour réduire le déficit public, élément clé pour la capacité de la France à emprunter, (via son) impact sur les taux d'intérêt. Et ce qui est vrai pour l’Etat l'est aussi pour les taux de crédit des ménages».

Des propos qui témoignent d'une vraie conscience de «l'impact des décisions politiques sur le financement, notamment immobilier, des Français», se félicite Sandrine Allonier. Sébastien Lecornu a cependant reconnu, mercredi soir, que la réforme des retraites constituait «un blocage au Parlement et qu'il faudrait qu'un débat ait lieu sur le sujet, les Français ayant le sentiment que celui d'il y a deux ans ne s'est pas déroulé normalement».