
Les télés branchées à plein volume, les pieds de chaise qui raclent le plancher, les voisins du dessus au pas lourd… La résolution de ces nuisances sonores, troubles du voisinage ordinaires, demeure le quotidien des équipes d’Alain Bessaha, directeur général du groupement parisien interbailleurs de surveillance (GPIS), qui veille sur 150 000 logements sociaux de la capitale, du Xe au XXe arrondissement. Mais la gestion du narcotrafic s’invite désormais dans les missions de ce groupement d’intérêt économique créé il y a 20 ans et financé par 12 bailleurs sociaux parisiens.
Et pour cause : «Désormais, aucun territoire n’échappe au trafic de drogue, aucun bailleur social présent aujourd’hui dans la salle ne peut dire qu’il n’y a pas affaire», assure Isabelle Rueff, directrice générale du bailleur Alpes Isère Habitat, ce mercredi 24 septembre au Congrès HLM, lors d'une table-ronde sur la sécurité et la tranquillité. Celle qui préside également l’Institut HLM de la RSE (responsabilité sociétale et environnementale) observe «une énorme généralisation du trafic de drogue et de la violence associée, une violence qui devient gratuite et qui sert désormais moins à garder un terrain qu’à faire des images».
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Impact sur la qualité de vie des locataires
Un phénomène qui, souligne Isabelle Rueff, «impacte d’abord les locataires, leur qualité de vie, leur liberté de circuler», puis les bailleurs sociaux, lesquels «paient très cher les réparations» des dommages causés par le narcotrafic, tels que des ascenseurs immobilisés pour stocker «de la marchandise», comme cela arrive aussi dans des copropriétés privées. Face à cette «généralisation, internationalisation et uberisation du trafic de drogue», selon les mots d’Isabelle Rueff, les bailleurs sociaux travaillent bien sûr avec les commissariats de police et le parquet (ministère public), indique Emmanuelle Copin, directrice générale adjointe en charge de la proximité chez Paris Habitat.
Le GPIS intervient aussi, à la demande des bailleurs ou de locataires, le soir et le week-end, par exemple en «évinçant les occupations de halls d’immeuble ou de parkings», relate Alain Bessaha. Assermentés pour constater certaines infractions par procès-verbal, ses agents «sont autorisés à porter des armes de défense mais n’en font quasiment jamais usage», précise-t-il.
La vidéosurveillance, pas une fin en soi
Dans un objectif de dissuasion mais également pour faciliter le recueil de preuves, les bailleurs sociaux peuvent installer des dispositifs de vidéosurveillance dans les halls d’entrée, parkings et autres parties communes de leurs résidences. Ils s’associent également aux collectivités locales - les villes, par exemple - pour mettre en place de la vidéoprotection aux abords de leurs résidences, sur la voie publique cette fois. «En matière de vidéosurveillance, on y va précautionneusement. Pour beaucoup de locataires, il s’agirait de la réponse magique aux troubles alors qu’il s’agit en réalité d’un outil en plus, pas d’une fin en soi», nuance Emmanuelle Copin.
L’expulsion arrive en dernier recours. La loi du 13 juin dernier «visant à sortir la France du piège du narcotrafic» prévoit d’ailleurs la possibilité, pour le préfet constatant les agissements d'un locataire en lien avec le trafic de stupéfiant, d'enjoindre son bailleur de procéder à la résiliation du bail. «Des expulsions pour troubles, on en fait depuis toujours, elles représentent la moitié des expulsions locatives. Mais ça ne marche pas toujours car les gens reviennent», relativise Emmanuelle Copin. Pas dans un logement mais sur le terrain des troubles. L'occasion, pour l'USH (Union sociale pour l'habitat), qui regroupe les bailleurs sociaux, de rappeler, dans une résolution publiée ce jeudi 25 septembre, «qu'il ne peut y avoir de tranquillité résidentielle sans sécurité, mission régalienne de l’Etat».



















