Ventes privées entre amies, la nouvelle stratégie «Tupperware» des marques haut de gamme

Rencontres entre influenceuses

Parmi elles, on retrouve l’entrepreneuse Mélanie Huynh, fondatrice de la marque de beauté Holidermie, Mathilde Favier, responsable des relations publiques de la maison Dior, Alexandra Vanhoutte, créatrice de l’entreprise Tagwalk, l’ex-journaliste désormais créatrice de pulls et vêtements en cachemire Alexandra Golovanoff, la présentatrice télé Marine Vignes, ou encore Sabrina Herlory, DG du label de beauté Aroma-Zone, pour ne citer qu’elles.

Elles ont souvent une communauté de plusieurs dizaines de milliers d’abonnés – des centaines pour les plus influentes - sur les réseaux sociaux, et se retrouvent au moins une fois par mois à un de ces évènements. «Il y a un entre-soi, les invitées retrouvent des amies, prennent plaisir à échanger et restent», soufflent Amandine Lugnier Weil, organisatrice d’événements à haute valeur ajoutée pour les marques. Elles s’y font ensuite photographier et repartent à la fin avec un sac contenant un produit de la marque qui les a invitées.

Des réunions confidentielles mais instagrammables

Toute ressemblance avec une réunion dite Tupperware – ces formats de vente organisés dans le salon d’une personne qui invite ses amies – n’est pas fortuite. Car si les usages et le public diffèrent radicalement, l’objectif final, qu’il soit immédiat ou non, est de vendre et de le faire entres «amies». Quoi de mieux qu’un bon bouche-à-oreille, une recommandation, pour faire grandir une marque ? C’est la recette qu’a choisie la marque de prêt-à-porter Molli en organisant à chaque rentrée de septembre un cocktail intimiste dans ses locaux.

«Tous mes évènements se passent dans mes bureaux, qui sont une sorte de prolongement de chez moi. J’aime l’idée que les gens passent par mon studio de création, les locaux de la compta… c’est la meilleure manière de commercialiser la marque, ça vaut tous les PowerPoint», explique Charlotte de Fayet, l’entrepreneuse qui a relancé cette maison plus que centenaire. Pour son dernier événement, elle a opté pour un buffet avec des mets réalisés en crochet, références ludiques à la maille, ADN de sa maison.

«C’est un format malin super instagrammable, qui renforce le lien avec les invités et donne envie d’en être à ceux qui ne sont pas invités, confirme Valérie Radenac, consultante en développement de business dans la mode. Et de poursuivre, ce genre d’événements triés sur le volet plaît de plus en plus à toutes les marques.» C’est également le choix qu’a fait la griffe de joaillerie Piaget en organisant récemment des déjeuners dans un lieu secret de la place Vendôme – il était d’ailleurs interdit de le mentionner sur les réseaux sociaux – pensé comme un appartement de collectionneurs plutôt que de céder à la grosse soirée avec plusieurs centaines d’invités. «Il s’agit plus d’une expérience que d’un instant purement commercial parce qu’on ne pouvait pas acheter de bijoux à ce moment-là. Mais il est évident que les invités qui y ont assisté, comme ceux qui l’ont vu ensuite sur les réseaux, associent Piaget à cet instant magique», précise Margherita Ruffo di Calabria, fondatrice de l’agence de communication MRC.

Des échanges à bâtons rompus entre les participantes des rendez-vous Molli, marque de maille, vieille de plus de 130 ans, relancée il y a huit ans par une ancienne de L’Oréal, Charlotte de Fayet.

Convier les bonnes personnes, tout un art

Et à ce jeu-là, pour donner cette impression de convivialité, voire de familiarité, le nerf de la guerre, c’est le réseau. La sélection des invités est cruciale. Car cibler les mauvaises personnes peut avoir une conséquence désastreuse sur l’image, mais aussi sur les ventes. C’est tout le travail subtil que mène Sabrina Cellerier, dirigeante de l’agence de communication Univers Presse. «80% de mon temps consiste à travailler le bon réseau car je ne fais plus du tout de l’envoi en masse», explique la dirigeante. Solliciter les bonnes personnes pour le bon événement permet ensuite à la marque d’avoir de meilleures retombées.

Parfois, il n’est même pas nécessaire d’afficher des abonnés à son compteur influence, un simple entourage fidèle et CSP+ suffit. «J’ai organisé un petit-déjeuner avec une fan de bijoux, experte dans le domaine de l’art qui était chargée d’inviter une vingtaine de femmes de son entourage. Elles discutent, et repartent avec un sautoir et une bague. Parfois, certaines reviennent afin d’être plus tranquilles pour passer des commandes fermes», explique la créatrice de bijoux Aude Lechère. L’entrepreneuse a d’ailleurs choisi d'investir dans un lieu qui n’a pas pignon sur rue pour recevoir à sa discrétion ses potentiels acheteurs. «Je préfère mille fois travailler de cette façon plutôt que de gérer les contraintes d’une boutique ou d’un grand magasin», poursuit-elle.

En effet, dans un grand magasin il faut respecter le système de confié (la marque confie sa marchandise au grand magasin, qui la lui rend s’il n’a pas tout vendu en fin de saison, NDLR), prendre du personnel de vente, etc. Tout cela peut vite être financièrement très lourd pour une marque indépendante, bien plus que le catering d’un événement. Et puis quel plaisir de rencontrer personnellement la personne qui crée ! «C’est une nouvelle façon de consommer», conclue astucieusement Aude Lechère.