
Une majorité de Français s’opposent toujours à la réforme des retraites de 2023. Selon un sondage Ifop pour la CGT dévoilé lundi 14 avril 2025, seuls 34% des Français estiment qu’il faut maintenir l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans. Près de 6 sondés sur 10 souhaitent même un retour à 62 ans. Preuve en est que l’âge légal de départ à la retraite, augmenté progressivement de 62 à 64 ans depuis 2023, cristallise toujours le débat. Alors que l’exécutif a lancé, le 27 février dernier, une nouvelle phase de concertation avec les partenaires sociaux afin de «remettre en chantier» la réforme des retraites, le Premier ministre, François Bayrou, a écarté l’hypothèse d’un retour en arrière sur un âge légal de départ à 62 ans. En réaction, plusieurs organisations syndicales ont décidé de se retirer des discussions, laissant le conclave dans un état incertain.
Mais qu’en est-il concrètement de l’âge réel de départ à la retraite ? Dans une récente publication, l’Institut des politiques publiques (IPP) propose une nouvelle base de données recensant les âges moyens de départ à la retraite selon les métiers. Patrick Aubert, statisticien et économiste, s’appuie sur les données de l’Insee du deuxième trimestre 2022 au troisième trimestre 2023 - période durant laquelle l’âge légal était encore fixé à 62 ans, et celui d’annulation de la décote à 67 ans (un seuil maintenu par la réforme récente) - pour donner des indicateurs de terrain.
Quel est l'âge moyen de départ à la retraite par métier ?
L’un des premiers constats est que les salariés exerçant des métiers de qualification «intermédiaire» sont ceux qui partent le plus tôt à la retraite. A l’inverse, «la plupart des métiers peu ou à l’inverse très qualifiés partent généralement à la retraite plus tard», souligne l’Institut des politiques publiques (IPP).
Cette tendance mérite toutefois d’être nuancée. L’IPP précise, en effet, qu’il existe une forte hétérogénéité au sein de chaque catégorie (peu qualifiée, intermédiaire ou fortement qualifiée). Certaines professions plus qualifiées peuvent partir plus tôt à la retraite que d’autres, pourtant bien moins qualifiées. A titre d’exemple, l’organisme indique que les cadres commerciaux ainsi que les ingénieurs et cadres de production «liquident leurs droits à la retraite à 62,5 ou 62,6 ans en moyenne en 2022-2023». En comparaison, les ouvrières et ouvriers du nettoyage, tout comme les agentes et agents de service de nettoyage dans le secteur public partaient déjà, avant la réforme, à la retraite plus tard : en moyenne à 64,1 ans.
Certains métiers peuvent aussi partir plus tôt à la retraite grâce à des dispositifs spécifiques. C’est notamment le cas des professions relevant des catégories dites «actives» dans la fonction publique, comme les infirmiers, aides-soignants ou policiers. D’autres professions, comme les conducteurs de train, relèvent de régimes spéciaux qui prévoient également des conditions de départ plus favorables. Celles-ci ne s'observent pas dans toutes les branches. En effet, l’IPP soulève que les chauffeurs-livreurs ou conducteurs de la collecte de déchets partent par exemple à 63,1 ans en moyenne, et les assistants de service social à 62,8 ans.
Inégalité selon le genre ? Pas forcément
Outre ces spécificités liées aux postes occupés, la place du parcours individuel reste non négligeable, notamment avec des départs en retraite plus tard pour les femmes aux carrières interrompues. «L’âge moyen élevé de départ observé pour la plupart des professions d’employés non qualifiés tient ainsi, vraisemblablement, au fait qu’elles sont exercées principalement par des femmes dont la carrière a été interrompue (sans doute pour élever leurs enfants) et qui doivent donc attendre l’âge d’annulation de la décote de 67 ans pour liquider leurs droits à taux plein», détaille l’IPP.
Toutefois, attention de ne pas généraliser les disparités entre les hommes et les femmes. Comme le mentionne Patrick Aubert, la comparaison des âges moyens de départ à la retraite par sexe «peut être trompeuse». Certains métiers plus féminisés, comme les aides à domicile, affichent des départs tardifs, liés à des carrières incomplètes. D’autres, comme les infirmières ou les enseignants, partent plus tôt grâce aux dispositifs de départ anticipé. Mais des disparités similaires existent aussi du côté des professions masculines. Certains ouvriers qualifiés ou techniciens, éligibles au dispositif de carrière longue, partent avant l’âge légal. D’autres, en revanche, notamment dans les secteurs «fortement masculinisés», ne quittent la vie active qu’après 63 ou même 64 ans.



















