«Remettre dans le droit commun les retraites importantes», pour François Bayrou. «Une mesure de justice sociale», selon le ministre de l’Economie et des Finances, Eric Lombard. Pour rétablir les finances publiques, les pensionnés vont être mis à contribution : l’abattement de 10% sur l’impôt sur le revenu dont ils bénéficient devrait être transformé en un abattement forfaitaire annuel de 2 000 euros. Une mutation qui fera des perdants, mais aussi des gagnants, comme l’explique une note de l’Institut des politiques publiques (IPP) dévoilée mardi 29 juillet. Pour rappel, à l’instar des actifs, les retraités profitent d’un abattement fiscal de 10% sur les revenus qu’ils déclarent à l’administration fiscale. Sur les revenus de 2024 déclarés en 2025, l’avantage minimum atteint 450 euros par membre du foyer fiscal et est plafonné à 4 399 euros pour l’ensemble du foyer fiscal.

Mais alors, que changerait le passage à un abattement forfaitaire de 2 000 euros par personne percevant une pension de retraite ? Rien pour les contribuables avec un revenu annuel de 20 000 euros, selon l’auteur de l’étude de l’IPP, Sylvain Duchesne. En effet, qu’il s’agisse d’une personne seule avec un tel revenu, ou d’un couple dont les revenus totaux se montent à 40 000 euros, appliquer un abattement de 10% reviendrait à soustraire des revenus imposables 2 000 euros pour 20 000 euros de revenus, ou 4 000 euros pour un couple avec 40 000 euros déclarés. Une déduction fiscale strictement identique à celle obtenue pour un retraité seul (forfait de 2 000 euros) ou un couple de deux retraités (deux fois le forfait de 2 000 euros, soit 4 000 euros).

Les contribuables seuls davantage sanctionnés

Logiquement, avec moins de 20 000 euros de revenus, un célibataire serait donc gagnant puisque l’abattement forfaitaire de 2 000 euros excèdera celui obtenu en prenant en compte 10% de ses revenus. «Tous les foyers fiscaux qui ont des montants de pension inférieurs à ce seuil verront leur abattement augmenter (ils auront donc des revenus considérés comme plus bas, qui ouvrent droit à payer moins d’impôts et à percevoir plus de prestations sociales), alors que ce sera l’inverse pour les foyers fiscaux recevant plus de 20 000 euros», avance l’étude. Même constat pour un couple de retraités dont chacun des membres perçoit moins de 20 000 euros, le forfait de 2 000 euros d’abattement doublé à 4 000 euros dépassant celui obtenu en appliquant une déduction de 10% des revenus.

A l’inverse, les foyers touchant des revenus situés au-dessus de ce seuil seraient pénalisés, et plus principalement les personnes seules. L’Institut des politiques publiques prend l’exemple d’un retraité célibataire avec 50 000 euros de revenus, qui profite cette année d’un abattement au plafond de 4 399 euros et n’aurait plus le droit qu’à une déduction fiscale forfaitaire de 2 000 euros. Une sanction bien inférieure pour un couple dont chacun des membres perçoit 25 000 euros de pension, puisque ce foyer fiscal bénéficiera d’un abattement forfaitaire doublé à 4 000 euros, contre 4 399 euros précédemment. «L’abattement forfaitaire est davantage dépendant de la configuration familiale : il devient toujours plus avantageux pour les couples de retraités que pour un retraité seul à pension totale donnée, alors que ce n’était pas le cas dans la version de 10%. Cet effet est particulièrement visible dans le cas du plafonnement, pour lequel une personne seule qui avait un abattement de 4 399 euros passerait à 2 000 euros, alors qu’un couple de retraités passerait de 4 399 à 4 000 euros», confirme l’auteur de la note.

1,5 million de gagnants ou seulement 100 000 ?

Au total, la modification de l’abattement ferait, selon les simulations de l’IPP, pas moins de 1,4 million de perdants, soit 8% des retraités. Côté gagnants, ils pourraient être 1,5 million (9% des retraités)… ou seulement 100 000. Un grand écart qui s’explique par une inconnue de taille soulignée par Sylvain Duchesne. Car l’abattement fiscal appliqué aux revenus d’un contribuable permet actuellement de déterminer le revenu qui sert de base de calcul à ses aides au logement ainsi qu’à d’autres prestations sociales, autant d’allocations conditionnées à un certain niveau de revenus.

Si le nouvel abattement forfaitaire continue d’être pris en compte dans ce calcul, la réforme fera alors 1,5 million de gagnants. «Au contraire, une application uniquement au calcul de l’impôt sur le revenu conduirait à des recettes presque deux fois plus importantes (environ un milliard d’euros), pour un effet redistributif moindre et une grande majorité de perdants à la réforme», signale l’auteur. Soit 1,4 million de perdants, donc, et seulement 100 000 gagnants.

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