Il n’y a pas que la Caisse nationale des allocations familiales (CAF) qui est victime de fraudes. Dans son dernier rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, la Cour des comptes alerte sur la menace d’une «crise de liquidité» et la «dégradation préoccupante» du budget de la Sécu pour les exercices en cours et à venir. Le déficit pourrait d’ailleurs atteindre 24,1 milliards en 2028 contre 22,1 milliards d’euros cette année. Résultat, pour les magistrats de la rue Cambon, «la trajectoire des comptes sociaux» est devenue «hors de contrôle».

Dans son viseur notamment, les pensions de retraite et de réversion. Des pensions versées à des résidents hors de France, français ou étrangers, sur des comptes bancaires en France ou à l’étranger, et «sujettes aux risques de fraude», alerte la Cour des comptes. Résultat, elle a décidé de mener une enquête sur place en Algérie, au Maroc, en Espagne et au Portugal, les quatre premiers pays destinataires des pensions du régime général français.

3,9 milliards d’euros versés hors de France

Plus globalement, les magistrats rappellent dans leur rapport que les montants versés hors de France représentent 3,9 milliards d’euros (régime général) et deux milliards (régime complémentaire). Et parmi toutes ces personnes résidant à l’étranger, 77% se concentrent dans les quatre pays cités précédemment, mais également en Italie et en Belgique. Si ces pensions sont moins élevées qu’en France et réservées à des personnes plus âgées, le risque de fraude est plus important.

Cela concerne l’omission de signaler un décès ou la falsification de preuves d’existence adressées aux régimes de retraite. L’autre risque «tient à l’identification des assurés nés à l’étranger», note la Cour des comptes. Résultat, les fraudes représentent un coût faramineux, déplore l’institution. C’est le cas en particulier en Algérie, où le montant de la fraude est évalué entre 40 et 80 millions d’euros par an sur un total de 1,1 milliard d’euros.

La Cour des comptes réclame davantage de contrôles

En ce qui concerne le Maroc, l’estimation de fraudes est évaluée à douze millions d’euros. Quant à l’Espagne, la Cour des comptes dit n’avoir pu «procéder à une estimation» à cause du manque de contrôles. Toutefois, «le risque de fraude est réduit par la présence d’échanges de données d’état-civil avec ce pays», ajoute-t-elle. La Cour des comptes recommande donc une meilleure estimation des fraudes aux pensions de retraite versées à l’étranger et une adaptation du système d’information, mais également un renforcement du partenariat entre le régime général et le régime complémentaire.

«Ce développement sera confié à des partenaires locaux dont l’exécution de la mission devra être contrôlée rigoureusement», avance la Cour. Quant aux contrôles sur pièce, réalisés depuis 2023 en Turquie, en Algérie, au Maroc (et bientôt Tunisie), ils ont permis de «détecter des décès non déclarés dans les mêmes proportions que les contrôles sur place, soit entre 2 % et 5 % des échantillons contrôlés».

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