
Et si on vous disait que vous, propriétaire d’un véhicule touché par le Dieselgate, vous pourriez envisager de le rendre, et de récupérer votre argent, le tout avec l’agrément de la justice ? C’est ce que laisse envisager la Cour de cassation, dans une décision rendue mercredi 24 septembre, suite à l’affaire Volkswagen, qui avait vu le constructeur allemand équiper ses modèles de logiciels destinés à tromper les mesures européennes anti-pollution. Importante, cette décision a tout pour faire jurisprudence. Dans cet arrêt, donnant raison à l’acheteur d’un véhicule truqué de la marque, la plus haute instance juridique française a en effet reconnu deux avancées majeures.
La première de ces avancées permet de mieux définir le défaut de conformité d’une voiture. Ce que reconnaît la Cour suprême, c’est que posséder un véhicule non conforme au regard des règles européennes anti-pollution constitue un manquement suffisamment grave pour justifier l’annulation de sa vente. Selon l’avocat Maxime de Guillenchmidt du cabinet Veil Jourde, spécialisé en contentieux, «c’est inédit et important car la Cour dit qu’un acheteur, dans les critères essentiels de l’achat, a droit à une voiture possédant de bonnes caractéristiques techniques y compris les qualités environnementales qui ont été vendues». Pour ce professionnel, l’avancée est d’autant plus significative que la décision de la plus haute juridiction se place dans la droite ligne de celle de la Cour de justice de l'Union européenne, rendue en juillet 2022. Cette instance avait déjà considéré qu’un dispositif qui trompe les tests antipollution constitue un vice de conformité justifiant une sanction d’annulation de la vente.
Sur ce point, l’avocat rappelle que la vente est annulée au jour de la transaction, et donc que l’usage et l’usure de la voiture n’entrent pas en compte dans la somme à dédommager. Le propriétaire victime de la tricherie a logiquement le droit de récupérer le montant du prix d’achat dans sa totalité, sans décote, en se contentant de restituer la voiture en l’état.
Quel est ce délai de cinq ans évoqué dans cette affaire de Dieselgate ?
Seconde avancée majeure pour les automobilistes dont le véhicule est impliqué dans le scandale du Dieselgate : l'allongement du délai de prescription pour agir, ce qui pourrait ouvrir la voie à de nouvelles contestations. Un point sur lequel il faudra toutefois être vigilant, et ne pas trop s’emballer non plus. Si vous êtes dans un cas de tromperie, les juges ont en effet considéré que pour agir en justice, vous disposez d’un délai de cinq ans à partir de la date à laquelle vous avez découvert le défaut de conformité. Et non, comme le défendait Volkswagen, à compter de la date d'acquisition du véhicule. Comme l’on parle du moment où l’acheteur a eu la certitude que sa voiture était concernée par l’affaire, seule la réception d’une lettre officielle semble pouvoir faire foi. Dans l’affaire considérée, le propriétaire avait en effet été informé du défaut de son modèle via un courrier que lui avait adressé le constructeur, en novembre 2016. Soit plus de cinq ans après la date d’achat de son véhicule. La Cour de cassation a plus précisément estimé que «l’acquéreur était encore dans les temps pour saisir la justice, le délai de cinq ans ayant commencé à courir, non pas à la livraison du véhicule, mais à la réception du courrier l’informant de l’opération de rappel». Cet acheteur ayant fait appel à la justice très rapidement après la réception de ce courrier, cela le place dès lors en droit de demander l’annulation du contrat, et d’être remboursé.
Attention donc, comme alerte maître Maxime de Guillenchmidt : l’arrêt n’ouvre pas forcément ce droit à remboursement à tous, et notamment pas à ceux n’ayant toujours pas engagé d’action en justice. Il faudra de préférence avoir agi dans la foulée de l’envoi de ces courriers par Volkswagen, fin 2016. Si vous avez acheté une voiture en 2014 par exemple, et que vous n’avez pas saisi la justice avant novembre 2021, vos droits à un remboursement ne s’appliquent plus, ou sont très infimes. Et ce au titre de la prescription. En revanche, l’avocat confirme que tous ceux qui ont agi entre novembre 2016 et novembre 2021, dans le cas de Volkswagen, et dont l’action serait toujours en cours, sont en droit de demander la résolution de la vente. Autre bémol : les automobilistes ayant attaqué Volkswagen en demandant une remise sur le prix, et ayant déjà vu leur affaire jugée, ne peuvent pas revenir en arrière eux non plus. Finalement avec cette jurisprudence, et compte tenu de ces nouveaux délais de prescription, il n’y aura peut-être que peu de cas concernés. Et il n’y aura plus de nouvelle action envisageable, sachant que novembre 2021 constitue donc une date d’expiration pour les actions à engager contre Volkswagen.
Selon l’avocat, cette jurisprudence devrait en revanche pouvoir s'étendre à d’autres marques comme BMW, Renault ou celles du groupe Stellantis, elles aussi soupçonnées de fraudes anti-pollution à différents degrés. Ces affaires sont toutefois également anciennes. Vous n’avez plus qu’à fouiller dans vos courriers et vérifier la date de réception d’une potentielle lettre d’information ou de rappel.
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