
Vous imaginez un patron toucher l'équivalent de 350 fois le salaire moyen des 259 000 salariés de l’entreprise qu’il dirige ? Accrochez-vous, car malgré quelques opposants pour s’insurger, c’est bien cet écart de rémunération qui a finalement été validé, en même temps que la dernière fiche de paie de Carlos Tavares, le directeur général du groupe Stellantis, évincé début décembre dernier. En effet, les actionnaires du groupe automobile (15 marques) ont approuvé, lors de l'assemblée générale tenue à Amsterdam ce mardi 15 avril, la résolution portant sur la rémunération des dirigeants du constructeur au titre de l’année 2024, y compris donc celle de son ex-patron. D’ailleurs, cette AG a été plutôt expéditive, malgré le contexte très particulier, puisque le processus de recrutement de son successeur suit encore son cours, et ne doit pas aboutir avant fin juin.
Le montant total qui sera attribué à Carlos Tavares, salaires et indemnités compris, dépassera ainsi les 35 millions d'euros. Un versement qui, dans le détail, se décompose ainsi : un salaire fixe de 2 millions d'euros, des primes variables de 20,5 millions, des prestations de retraite de plus de 500 000 euros, auxquels il faut encore ajouter une indemnité de départ de 2 millions d'euros, et pour finir une prime d'objectifs d'environ 10 millions d'euros.
Pourquoi Carlos Tavares a droit à une indemnité de 2 millions d'euros ?
Alors que ce vote aux Pays-Bas n'était, selon la législation néerlandaise, que consultatif (il aurait eu une valeur contraignante dans le droit français), notons toutefois qu’un tiers des actionnaires n’ont pas manqué de montrer leur opposition à ce monstrueux chèque. Un vote contre (33,07%) notamment influencé par les recommandations de la société de conseil aux investisseurs Proxinvest. Il est vrai que quelques curiosités sont à relever dans sa rémunération.
Carlos Tavares a ainsi droit à une indemnité de départ de 2 millions d’euros, mais on peut se demander pourquoi ? Stellantis indique que ce versement est conforme, la loi néerlandaise prévoyant en effet un an de salaire fixe, en cas de licenciement. Sauf que, comme le rappelle Proxinvest, c’est officiellement Carlos Tavares qui a démissionné de son poste de patron à la tête du groupe Stellantis, début décembre 2024. L’ancien directeur général n’est donc pas censé avoir été licencié. Son départ, présenté comme volontaire, ne devrait donc pas s’accompagner d’une indemnité à attribuer.
Deuxième bizarrerie, cette fois pointée du doigt par AllianzGI, un gérant de fonds qui détient moins de 1% du capital de Stellantis : le “super” bonus de 10 millions d’euros pour "atteinte d'une étape de transformation de l'entreprise". Même si une autre prime prévue l’an prochain, de 10 millions, au titre de l'avancement du plan de transformation, ne lui sera pas versée, ces émoluments ont de quoi faire grincer des dents. L’état actuel du groupe automobile n'a en effet rien de brillant. Après des profits record lors des premières années, le groupe Stellantis a vécu un très mauvais millésime 2024, marqué par de graves contre-performances, notamment en Amérique du Nord. Son bénéfice net a au final chuté de 70%, à 5,5 milliards d'euros. Difficile dès lors de récompenser des résultats aussi médiocres… D’après le président du Medef, Patrick Martin, sur franceinfo, «il semblerait qu'on lui verse des sommes auxquelles il n'a pas droit en application de son contrat”.
De la même façon, et bien qu’il soit en baisse de 3% sur un an, le salaire total (variable inclus) de 23,1 millions d'euros proposé pour 2024, semble donc lui aussi excessivement généreux. Le gestionnaire d'actifs AllianzGI l’avait d’ailleurs souligné, début avril. Mais les experts s’interrogent sur une troisième, et dernière, bizarrerie : la rémunération prévue pour 2024 a en effet été versée dans sa totalité à Carlos Tavares. Or, son départ a eu lieu début décembre… et avant donc que l’année ne s’achève. Ce dernier mois n’aurait donc pas dû être décompté de sa fiche de paie, du moins pas dans sa totalité.
À titre de comparaison, John Elkann, président du conseil d'administration de Stellantis et dirigeant par intérim, n’a touché “que” 2,8 millions d'euros pour l'année.
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