
Capital - Vous avez mené une mission dans six pays européens pour étudier l’acceptabilité des zones à faibles émissions (ZFE). Qu’en retenez-vous ?
Barbara Pompili, conseillère spéciale à l’international au Secrétariat général de la planification écologique - Les autres pays européens sont confrontés aux mêmes inquiétudes que la France. Ils ont tous eu des questionnements sur la place de la voiture dans l’espace public. Mais cela n’a pas empêché la mise en place des ZFE. Il y en a environ 180 en Europe. Certaines fonctionnent très bien avec des résultats sur la qualité de l’air. C’est plutôt rassurant et il faut s'en inspirer. Quand les choses sont bien faites, on peut rendre acceptables beaucoup de mesures, y compris des mesures contraignantes.
Votre rapport contient 13 grandes recommandations. Laquelle est la plus importante à vos yeux?
Le plus urgent est de lancer une campagne d’information. En France, j’ai été frappée par la méconnaissance très importante de ce que sont les ZFE. Beaucoup de personnes, et même des entreprises, pensent qu’elles vont devoir renoncer à leur véhicule alors que ce n’est pas le cas. Cela nuit très clairement à l’acceptabilité des ZFE. Après cette campagne d’information, il faudra mettre en place un guichet unique pour retrouver au même endroit toutes les informations disponibles sur le dispositif national, sur la ZFE près de chez soi et sur les aides dont on peut bénéficier, qu’il s’agisse des aides nationales ou des aides locales.
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Le sénateur Philippe Tabarot (Les Républicains) a également réalisé une mission sur les ZFE. Dans son rapport remis en juin, il suggère de reporter l’interdiction des véhicules Crit’Air 3 de 2025 à 2030 dans les ZFE françaises. Qu’en pensez-vous ?
Nous nous rejoignons sur un certain nombre de propositions. Notamment sur la nécessité d’harmoniser les ZFE et de mieux cibler certaines aides. En revanche, je pense que reporter l’interdiction des Crit’Air 3 n’est pas une bonne idée. Cette interdiction ne concerne pour l’instant que les cinq agglomérations (Lyon, Paris, Rouen, Strasbourg et Aix-Marseille, ndlr) qui dépassent régulièrement les seuils réglementaires de qualité de l’air. Ce sont des zones où les gens sont en danger. On ne rend service à personne si on repousse le calendrier. Il faudrait plutôt cibler les aides sur ces territoires, et notamment sur les personnes qui vivent en périphérie des ZFE, par exemple. Ce sont les plus grands perdants parce qu’ils n’ont pas accès aux aides réservées aux habitants des ZFE, ni aux transports en commun et leurs revenus ne leur permettent pas forcément de changer de voiture. On pourrait réorienter les aides sur ces populations, en renforçant la prime à la conversion ou en les aidant à rétrofiter leur véhicule.
Y a-t-il d’autres ajustements qui permettraient d’améliorer les ZFE ?
Je propose de ne pas interdire les véhicules diesel avant 2030. C’est la norme que nous avons observée dans toutes les ZFE. Je propose aussi de scinder les vignettes Crit’Air 2 parce qu’elles intègrent des véhicules répondant aux normes Euro 5 et Euro 6. Mais il y a une vraie différence entre Euro 5 et Euro 6. En plus, les normes Euro 6 ont beaucoup évolué depuis le scandale du «dieselgate». On pourrait d’abord interdire les Crit’Air 2 les plus polluants afin de laisser davantage de temps aux véhicules diesel les plus récents, qui sont beaucoup moins polluants.
La crédibilité des ZFE va aussi reposer sur les contrôles. Or, avec le retard de la vidéoverbalisation, beaucoup de maires rechignent à mobiliser les policiers municipaux sur le contrôle des vignettes Crit’Air…
Ailleurs en Europe, les ZFE qui fonctionnent sont quasiment toutes sous vidéoverbalisation. Les automobilistes en infraction savent qu’ils vont se faire flasher et recevoir une amende. Aujourd’hui, en France, comme il n’y a pas de vidéoverbalisation, c’est comme si les ZFE n’existaient pas. Des professionnels ont investi pour changer leurs véhicules et se mettre en règle. À côté de cela, ceux qui n’ont pas fait d’efforts continuent à être dans la totale illégalité, et sans conséquences ! Le ministère de l’Intérieur a pris beaucoup de temps pour s’assurer que toutes les conditions de fiabilité soient respectées sur la vidéoverbalisation. À cause de cela, les collectivités locales sont tout à fait légitime lorsqu’elles disent que l’État ne leur donne pas les moyens pour mettre en place les ZFE. C’est une faiblesse à laquelle il faut répondre le plus vite possible. L’acceptabilité fonctionne quand le dispositif est équitable. Là, les personnes qui font des efforts ont l’impression de ne pas être récompensées. Il est plus que temps que la France passe à l’étape suivante. Mais je n'oublie les problèmes liés aux radars. En Allemagne, nous avons des exemples de radars mis en place de façon pédagogique pendant une période de transition.
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