Connaissez-vous le point commun entre Cyril Hanouna, Zinédine Zidane et Teddy Riner? C’est une petite balle jaune, dérivée de celle du tennis, qu’ils prennent tous les trois plaisir à frapper, entre quatre murs vitrés, et sur un terrain mesurant 20 mètres sur 10… Comme 500000 Français en 2023, dont 140000 néophytes, ces stars ont en effet craqué pour le padel, un jeu de raquettes à mi-chemin entre le squash et le tennis, qui se pratique forcément en double. «Ce n’est que le début du phénomène, le potentiel de croissance de ce sport est quasiment illimité», assure Arnaud Di Pasquale, ancien 39e joueur mondial de tennis, médaillé de bronze aux Jeux olympiques de Sydney en 2000, et devenu directeur du Greenweez Paris Major, plus grand tournoi de la discipline en France.

Ludique et accessible, le padel ne requiert pas d'aptitude physique particulière, et se révèle plutôt addictif. «Depuis la fin de la période Covid, la demande a explosé, complète Alexandre Ressot, responsable du développement de la chaîne UrbanPadel. Nos complexes affichent complet et il faut s’y prendre au moins une semaine à l’avance pour réserver un terrain.» Certains passionnés, pour la plupart des cadres et CSP+, dépensent même des centaines d’euros par mois, pour jouer plusieurs fois par semaine à ce sport né au Mexique dans les années 1970.

Forcément, un tel phénomène ne pouvait pas laisser indifférents les acteurs de l’industrie du sport. A commencer par la Fédération française de tennis (FFT), soucieuse de ne pas se laisser déborder par un jeu fortement inspiré de sa discipline. C’est ainsi que, en mars dernier, elle avait déjà délivré 58000 «licences padel» pour la saison en cours, soit 37% de plus que sur la campagne 2022-2023. Mais la fédération veille surtout à compléter son maillage de terrains. Alors que leur nombre a bondi de 30% par rapport à la saison précédente, pas moins de 700 clubs de tennis sont désormais équipés d’une ou plusieurs pistes de padel.

«Les infrastructures, c’est le nerf de la guerre. On doit impérativement construire plus pour développer la pratique», confirme Stéphanie Cohen-Aloro, directrice padel à la FFT et ancienne joueuse de tennis professionnelle. Et il y a de la marge: la France ne compte qu’une piste pour environ 35000 habitants, une proportion dix fois moindre qu’en Espagne, où ce sport est roi. Les clubs décidés à s’équiper doivent toutefois prévoir un budget de 25000 à 30000 euros par terrain, qu’ils pourront en partie couvrir grâce aux subventions versées par la FFT ou les collectivités locales.

Une quinzaine d'euros de l'heure en moyenne

Les exploitants de salles privées, qui détiennent 80% des pistes indoor existantes, entendent eux aussi saisir la balle au bond. Les plus gros groupes, comme UrbanPadel ou 4Padel, se partagent ainsi la moitié du marché, grâce à leurs complexes composés de 6 à 10 pistes, parfois plus. Les structures indépendantes, généralement plus petites, complètent cette offre de terrains privés, surtout situés en périphérie des agglomérations d’au moins 200000 habitants. Malgré les contraintes d’homologation propres à ces terrains couverts (salle d’une hauteur de 7 mètres minimum, pour un coût de construction porté entre 30000 et 50000 euros par piste), l’activité n’en reste pas moins très rentable: en moyenne, les séances d’une heure et demie sont facturées une quinzaine d’euros par personne, voire plus en Ile-de-France.

«Au début des années 2020, il fallait de sept à huit ans pour rentabiliser une piste. Aujourd’hui, en deux ou trois ans, le terrain est remboursé», indique Alexandre Ressot, d’UrbanPadel. En seulement deux ans, cette enseigne a construit un réseau d’une cinquantaine de pistes, réparties dans neuf complexes. Et pèse déjà 10% des revenus du groupe Urban auquel elle appartient, initialement dédié au football en salle. Preuve du potentiel de la discipline, l’ensemble est en passe d’être racheté, pour une valorisation d’environ 150 millions d’euros, par la Compagnie des Alpes, un géant des loisirs qui exploite le Parc Astérix et le Futuroscope.

Un majeur à Roland-Garros qui attire les foules

Une licence dédiée, des équipements dernier cri, des investisseurs financiers… ne restait plus à ce jeune sport qu’à créer une filière professionnelle. C’est en cours, puisque la FFT ouvrira en 2025 un centre national d'entraînement (CNE), pour former les champions de demain. «De plus en plus de jeunes joueurs français ambitionnent de vivre du padel, on va les accompagner pour les aider à atteindre le très haut niveau», confirme Stéphanie Cohen-Aloro. Certes, les meilleurs Français sont encore loin de l’élite internationale. Mais ils peuvent déjà se faire les dents sur le Greenweez Paris Major, un des quatre plus importants tournois au monde, qui se déroule chaque fin de mois de septembre à Roland-Garros. Si la première édition, en 2022, n’avait pas fait le plein, la compétition a trouvé son public l’année suivante, avec 37000 spectateurs cumulés sur la semaine de compétition. «En 2023, le court Philippe-Chatrier affichait complet pour les demi-finales et la finale. Rassembler autant de monde, c’était inimaginable il y a encore deux ou trois ans.» En complément, des tournois internationaux sont aussi désormais organisés chaque année à Bordeaux et Toulouse.

La communauté grandissante de pratiquants pourra aussi allumer son petit écran: depuis 2021, Canal+ est détenteur des droits de retransmission TV des plus prestigieuses compétitions internationales. Cette année, la chaîne cryptée diffuse par exemple le Premier Padel, un circuit où les meilleurs joueurs mondiaux s’affrontent au cours de 25 tournois, programmés tout au long de la saison. Le groupe Canal+ (filiale de Vivendi, également propriétaire de Capital) pourra compter sur son animateur vedette Cyril Hanouna pour démocratiser la discipline. Le présentateur de «Touche pas à mon poste!» s’est ainsi mis en scène dans la série documentaire «Objectif Top 100», où il filme les coulisses de sa progression vers le plus haut niveau. Un pari réussi, puisqu’il a atteint la 59e place française en avril 2024.