Les habitués du célèbre tournoi de tennis français connaissent deux couleurs essentielles : l'ocre de la terre battue et le vert de Perrier. Car la marque d'eau minérale naturelle pétillante est un sponsor historique de Roland-Garros, dont elle est partenaire depuis 1978 ! Désormais, la bulle officielle rythme même chaque changement de côté des joueurs, avec un bruit d’ouverture de canette qui résonne dans tout le court Philippe-Chatrier.

Mais depuis quelques mois, le bruit autour de Perrier s'est fait plus grinçant. Emportée dans la tourmente du scandale des eaux en bouteilles, dans lequel s'est empêtrée sa maison-mère Nestlé, la marque a vu son image écornée. Son recours à des systèmes de filtration interdits, qui a duré pendant des années, et les contaminations dont la source est parfois victime du fait du changement climatique, ont été déballés devant la commission d'enquête du Sénat, chargée de faire la lumière sur les dérives du secteur. Et pas de chance, le rapport qui doit conclure ces mois d'enquêtes et d'auditions, souvent houleuses, doit être présenté lundi 19 mai… Pile le jour du démarrage officiel de Roland-Garros, avec son «opening week»! Un malheureux télescopage.

Un bad buzz qui pourrait pénétrer jusque dans l'enceinte du stade

En complément du bruit médiatique que devrait à nouveau générer ce rapport sénatorial, la marque est aussi sous la menace d'une suspension de son autorisation des forages qu'elle exploite à Vergèze, où se trouve la source Perrier depuis 140 ans. Le 7 mai dernier, le Préfet du Gard a effectivement sommé l'entreprise de retirer les filtres installés sur ses équipements et jugés illégaux, sans quoi ses bouteilles ne pourront plus être labellisées "eau minérale naturelle". L'administration a donné deux mois à Nestlé pour se mettre en conformité, et être en mesure de maintenir la qualité sanitaire de ses eaux, sans recourir à ces filtres. Le tournoi sera terminé, mais les organisateurs ont-ils envie que le bad buzz rebondisse chaque jour sur les courts?

Même si elle avait voulu se faire discrète cette année, Perrier aurait eu bien du mal. La marque s'affiche sur de nombreuses structures permanentes du stade et habille les chaises d'arbitres de 23 courts. L'entreprise n'aurait pas non plus envisagé de basculer ses communications sur la petite sœur de la star, la marque Maison Perrier, lancée en 2024 et dont la réputation n'est pas entachée. «Perrier sera présent sur Roland-Garros, c'est un partenariat historique et la marque fait partie des incontournables du stade», assure pour sa part Muriel Lienau, directrice générale de Nestlé Waters.

Interrogée, la Fédération française de tennis (FFT) confirme également la présence de la marque et lui renouvelle sa confiance : «Perrier est un soutien et partenaire officiel de Roland-Garros depuis de nombreuses années et bénéficiera pendant le tournoi 2025 de la visibilité associée à son partenariat, telle qu’elle est prévue», fait valoir un porte-parole par écrit. D'ailleurs, les fameuses bulles seront aussi disponibles normalement dans les boutiques et restaurants de Roland-Garros. La Fédération note que les produits sont «soumis à de très nombreux contrôles de qualité et parfaitement réglementaires».

Un partenaire officiel qui apporterait 3 millions d'euros par an au tournoi, selon nos informations

Il eût été difficile de faire autrement, alors que Perrier a renouvelé son partenariat avec Roland-Garros l'an dernier. Selon nos informations, le contrat qui ne précise pas de durée d’engagement, porterait jusqu’en 2027 minimum, moyennant un chèque annuel d’environ 3 millions d’euros.

Le tournoi parisien peut compte sur 20 partenaires (ils étaient 22 en 2024), répartis sur quatre niveaux d’engagement. Si aucun chiffre n’est communiqué par la direction, le plus important sponsor, BNP Paribas, «parrain officiel» du tournoi, réglerait 17 millions d’euros par édition. Viennent ensuite dans la hiérarchie, les «partenaires premium» comme Emirates, Lacoste, Renault ou Rolex, avec des tickets annuels tournant autour de 10 millions d’euros. Au troisième rang, on trouve les «partenaires officiels» comme Engie, Wilson, Mastercard, All (Accor) et Perrier, donc. Suivent les «fournisseurs officiels», tel Lavazza, qui ferment la marche.

L’année dernière, le tournoi du Grand Chelem visait 650 000 visiteurs sur ses trois semaines d’exploitation, puisque la campagne de qualification qui démarre dès ce lundi, baptisée «opening week», s’est installée comme un véritable relais de croissance économique et permet de faire vivre le tournoi sur trois véritables semaines, au lieu de deux traditionnellement.

Et la FFT compte toujours sur Roland-Garros pour remplir ses caisses. L'an dernier, le tournoi visait 338 millions d’euros de chiffre d’affaires, soit les ¾ des revenus annuels de la Fédération française de tennis, qui avait budgété 459 millions d’euros pour 2024. L’argent gagné à Roland-Garros est donc essentiel pour financer ses frais de fonctionnement. «Sur le tournoi, les droits TV représentent 38% de notre chiffre d’affaires, environ 20% pour les partenaires, 17% pour la billetterie et 17% pour l’hospitalité», détaillait même le directeur général de la FFT, Stéphane Morel, à quelques semaines de l’édition 2024 de Roland Garros. Pour garder les balles, pas question de se priver des bulles.