
Une honorable médaille… de bronze. Quand il s’agit de lever des fonds pour financer les start-up de l’univers sportif, la France ne se classe en effet que troisième en Europe, derrière l’Allemagne et le Royaume-Uni, selon l’étude 2024 du collectif SporTech. Un palmarès qui a toutefois été établi à partir des collectes réalisées entre 2019 et 2023, avant les Jeux olympiques de Paris 2024. Nul doute que ce classement a depuis été chamboulé, tant l’événement mondial a profité aux jeunes pousses tricolores. C’est ainsi que le punching-ball connecté d’I-Percut, une des sept innovations que nous vous présentons ici, a pu être essayé par le grand public, avant les compétitions officielles de boxe. Ou que Quantiq a testé son application de relaxation sportive auprès de plusieurs pratiquants, athlètes et para-athlètes, durant cette même quinzaine des JO…
Selon l’étude SporTech, les jeunes pousses de la filière s’adressent autant au grand public (à hauteur de 34%)qu’aux clubs (30%) et, dans une moindre mesure, aux entreprises (19%). C’est donc toute la chaîne de la pratique sportive qui devrait profiter de leur créativité. «L’impact de la data et des technologies se révèle comme un moteur de transformation radicale, et redéfinit les contours de la performance athlétique, de l’engagement des spectateurs et de la stratégie commerciale», écrivent ainsi les auteurs de l’étude.
Alors que ces entrepreneurs avaient levé un peu plus de 32 millions d’euros en 2023, les poids lourds du secteur, qu’il s’agisse de l’équipementier Nike ou du distributeur Decathlon, doivent donc se tenir sur leurs gardes. «Si les start-up n’ont pas le monopole de l’innovation dans le sport, force est de constater qu’elles sont souvent à l’origine des changements. Elles permettent surtout une accélération des projets, qui mettraient parfois plusieurs années à émerger sans elles», indique Benjamin Carlier, co-directeur d’Olbia Conseil, spécialisé dans l’accompagnement des acteurs de la filière. Avec elles, la France pourrait-elle enfin devenir une grande nation du sport ? Certains veulent y croire. «Ces jeunes pousses traduisent l’évolution de la consommation du sport, sa digitalisation, avec l’envie, notamment dans la jeune génération, de s’affranchir des contraintes et d’accéder facilement à la pratique sportive», conclut Virgile Caillet, délégué général de l'Union Sport et Cycle, la principale organisation professionnelle du secteur.
ANYBUDDY
Avec eux, tennis, padel ou badminton se jouent à la carte

Les «Doctolib du sport» : depuis qu’ils ont lancé, en 2018, leur application Anybuddy, ce sobriquet revient souvent aux oreilles de Martial Guermonprez, Frédéric Fouco et Arnaud Tanguy. Le concept imaginé par ces trois copains lillois, liés depuis 20 ans ? Permettre aux mordus de raquette (tennis, squash, badminton, padel…), grâce à un système de géolocalisation, de dénicher rapidement un terrain, pour s’adonner à leur passion. «Il est difficile de trouver un créneau au dernier moment, surtout lorsque l’on n’est pas licencié d’un club. Notre application, synchronisée avec l’agenda des structures, permet de trouver un horaire disponible», sourit Martial Guermonprez, 39 ans, diplômé d’école de commerce.
Lors de la réservation, le club encaisse instantanément le règlement, tandis qu’Anybuddy prélève une commission. Les structures qui signent avec la start-up, qui a revendiqué une volume d'affaires de 7 millions d'euros l'an passé, peuvent donc percevoir un surcroît de revenus non négligeable en remplissant leurs nombreuses heures creuses. «Cerise sur le gâteau, 15% de nos abonnés finissent par s’inscrire dans le club. Au total, nous gérons 11 millions de créneaux horaires.» Et si, au début de l’aventure, les acolytes n’étaient en cheville qu’avec dix clubs de la région lilloise, sept ans plus tard, ils sont «sur un petit nuage» : l'application a séduit 500 000 joueurs, pour plus de 1 400 structures partenaires en France, mais aussi en Belgique, Espagne et Suisse.
Pour financer son développement, la start up a réalisé une première levée de fonds de 1,3 million d’euros en janvier 2023 auprès d’une vingtaine de business angels. «Il nous fallait avoir les reins solides pour devenir le leader hexagonal sur ce créneau. Notre chiffre d’affaires a atteint 6 millions d’euros en 2024 et nous sommes devenus rentables en août dernier», précise l’associé-fondateur. Le futur d’Anybuddy ? Lancer un réseau social pour fédérer les membres accros, et rechercher de nouveaux partenaires. Un double chantier qui a nécessité une nouvelle levée de fonds de 2 millions d’euros, bouclée fin janvier 2025.
I-Percut
Ce couple veut boxer dans la cour des grands
Nous sommes en 2020. C’est en cognant dans un sac de boxe, avant l’arrivée du coach de son fils, qu’Olivier Huc imagine un concept qu’il subodore «révolutionnaire» : permettre aux amateurs du «noble art» de s’entraîner en joignant l’utile à l’agréable, via l’utilisation d’un sac de frappe revêtu d’une housse interactive. «Reliée en Bluetooth à un smartphone, cette enveloppe de 2 kilos, bardée de capteurs, mesure la force, la vitesse et la réactivité du boxeur. Après analyse des données, ce dispositif de LED rouges aide à mieux répartir ses frappes et à les diversifier», explique ce boxeur amateur, originaire de Toulouse.
C’est après de multiples tests du prototype qu’Olivier et son épouse Maryline, avec laquelle il a déjà monté plusieurs sociétés dans l’informatique, finissent par créer I-Percut, début 2022. Dans la foulée, le couple dépose le brevet en France, en Europe et «dans le monde entier». Il prend ensuite son bâton de pèlerin, à la recherche de clubs susceptibles d’adopter leur technologie «hyperskin», tout en multipliant les partenariats officiels (Fédération française de Boxe, Insep...). A l’affût des tendances, le duo démarche aussi les enseignes de fitness, en proposant une version personnalisée, à utiliser lors de cours collectifs de fitboxing.
Cette TPE de quatre personnes a déjà reçu une double consécration. En janvier 2023 tout d’abord, avec l’Innovation Award décerné au CES, le rendez-vous annuel du monde de la tech à Las Vegas. Puis lors des Jeux olympiques de Paris 2024, en étant sélectionnée pour proposer au grand public des animations en marge des combats de boxe, à l'Arena Paris Nord. Afin de pérenniser leur aventure, et d’accélérer sur le marché européen, le couple Huc est en cours de collecte de fonds (500 000 euros). "Nous lancerons une deuxième levée début 2026, pour aborder les marchés canadien et américain. Un sacré défi !» sourit Maryline, en charge des finances.
Rematch
Il refont le match du week-end
Vous rêvez d’immortaliser les exploits de votre fils ou de votre fille, qui joue les Kylian Mbappé ou les Wendie Renard tous les samedis après-midi ? Branchez-vous sur Rematch, une solution gratuite pour filmer, et diffuser, les «highlights» – comprendre les instants culminants – des matchs de ces sportifs en herbe. Grâce à cette application, reliée à une plateforme vidéo réunissant les "Rematcheurs" (parents ou amis du sportif, bénévoles du club), le sport amateur – 50 000 rencontres se déroulent chaque week-end dans l’Hexagone – est dignement mis en lumière. «L’application dispose d'un mode flash-back, grâce auquel les meilleures actions sont automatiquement filmées, habillées et montées. Il n’est pas nécessaire d’intégrer les noms ou les logos des clubs, ni de passer des heures à dérusher les vidéos. C’est une intelligence artificielle développée en interne qui s’en charge», explique le Bordelais Pierre Husson, 32 ans, diplômé de Kedge Business School.
Ce footeux amateur qui évolue en Départemental 2 a créé sa start-up en 2017, avec deux associés. Huit ans plus tard, elle cumule 3,5 millions de vidéos téléchargées, pour plus de 550 millions de vues. Sans oublier 15 000 clubs partenaires, autour desquels se retrouvent 600 000 utilisateurs ou suiveurs. Rematch est désormais partenaire de six fédérations sportives (football, handball, basket-ball….), ainsi que de marques premium telles que Decathlon, Unibet ou Saint-Gobain, devenues sponsors. «Nous reversons 50% de nos revenus de sponsoring aux clubs amateurs, en fonction de leur activité sur la plateforme», précise Pierre Husson, à la tête d’une vingtaine de salariés, dont dix développeurs.
Il s’est adjoint deux ambassadeurs prestigieux : Jean-Pierre Papin, l’ancien Ballon d’or de l’Olympique de Marseille, et Olivier Giroud, l’ex-serial buteur de l’équipe de France de football. Après avoir levé 1,5 million d’euros auprès d’un fonds d’investissement américain, au printemps dernier, l'entrepreneur vise le marché américain. «Notre structure basée à Fort Worth, au Texas, fonctionne déjà très bien. Le futur est diablement excitant ! » conclut-il.
Quantiq
Ils aident les sportifs à trouver leur second souffle
Mesurer sa fréquence respiratoire ou cardiaque, sa pression sanguine ou son stress, rien qu’en se filmant avec son smartphone… Tel est le tour de force technologique réussi par Quantiq, une start-up lancée en 2020 par le mathématicien Alain Habra et le centralien et docteur en physique quantique Fabien Niel. «Ces données sont ensuite décryptées instantanément par un médecin», précise Alain Habra, 45 ans. La jeune pousse, qui a mené des études cliniques auprès de plus de 450 patients, a levé 2,6 millions d’euros l’an dernier et devrait récidiver au printemps. «Nous sommes dans l’attente d’une certification médicale en France puis aux Etats-Unis, un immense marché», ajoute-t-il.
A partir de cette même technologie innovante, transformant un écran de smartphone en dispositif médical à distance, la société a lancé l’an dernier Zenbox, pour aider les sportifs amateurs et de haut niveau à trouver le bon souffle. «Zenbox va au-delà d’une simple application de relaxation en proposant une méthode guidée et contrôlée pour apprendre à respirer efficacement. Il améliore le bien-être au quotidien, de la même manière qu’un kiné entraîne son patient», détaille Alain Habra. L’intelligence artificielle conçue par la start-up analyse en effet en temps réel les performances de l’utilisateur, corrige et ajuste ses exercices, puis affiche les progrès réalisés dans un tableau de bord. «Notre produit a été cliniquement validé. Nous promettons une baisse du stress de 25% en moyenne et une diminution de l’anxiété de 40% en moyenne également.»
StadiumGO
Plus jamais seul pour aller au stade !
Accéder sans encombre au stade où joue son équipe favorite, tout en faisant connaissance avec d’autres mordus de son sport… Telle est la promesse des créateurs de StadiumGO, une solution de covoiturage dédiée aux événements sportifs lancée en 2019, juste avant la pandémie de Covid-19. Le service, qui se rémunère à hauteur de 13% du prix du trajet, a aussi pour vertu de préserver la planète : «70% de l’empreinte carbone d’un événement est généré par le déplacement des spectateurs», rappelle Romain Lauvergnat, l’un des deux fondateurs de la start-up, lui-même grand fan de football, et développeur de formation.
Originellement dédiée au ballon rond, la solution a depuis multiplié les déclinaisons. D’abord en s’étendant à une dizaine d’autres sports puis, en 2023, à des manifestations culturelles et des salons professionnels, sous la marque EveryGO. «Nous avons conclu des accords avec près de 90 événements dans l’Hexagone, dont des festivals de musique», confie le trentenaire. La société, qui salarie huit collaborateurs, propose aussi sa solution en marque blanche. Tout organisateur d’événements peut donc disposer de son service sur mesure.
Afin de fournir à ses clients les données les plus précises sur les volumes de CO2 économisés grâce au partage des moyens de transport, StadiumGO, qui a effectué une levée de fonds de 300 000 euros en 2023, s’est associée avec la start-up Sami, spécialiste des bilans carbone. La suite ? «Nous sommes en contact avancé avec des clubs de football en Espagne, Italie et Allemagne. L’aventure se poursuit», se félicite Romain Lauvergnat.
Unbonmaillot.com
Leurs tricots mystères créent l’événement
Nous sommes à Epinal, dans les Vosges, début 2020. Inspirés par l’unboxing, cette pratique qui consiste à se filmer en train de déballer un colis au contenu inconnu pour vivre une expérience mêlée de surprise et d’excitation, Louis Le Nevé et Timothé Odin décident de décliner le concept à destination des fans de football. Pour ces passionnés de ballon rond, il s’agira d’envoyer un maillot mystère, issu d’un club ou d’une équipe nationale, et sélectionné au hasard. Unbonmaillot.com était né. «Nos clients ont toutefois la possibilité de nous signaler les équipes qu’ils n’apprécient pas, ou celles dont ils possèdent déjà un ou plusieurs exemplaires de maillot», précise Louis Le Nevé, la petite trentaine, qui a suivi des études de communication et de marketing. Alors que le réseau social TikTok a permis de démultiplier le succès, les deux associés ont élargi leur gamme à d’autres sports (rugby, basket-ball…).
Pour remplir les rayonnages de son entrepôt vosgien de 350 mètres carrés, la start-up passe commande auprès des marques, clubs et équipementiers. L’entreprise de 23 salariés a même ouvert un bureau à Nancy (Meurthe-et-Moselle) pour gérer les réseaux sociaux et les aspects créatifs. Inscrits dans une dynamique «d’hypercroissance», selon les termes de Louis Le Nevé, et désireux de conquérir l’Europe, les deux associés n’envisagent pas, pour l'instant, de procéder à une levée de fonds. Depuis l’an dernier, leurs box, fabriquées en Alsace – comptez 45 euros par mois pour un envoi mensuel en abonnement – ont investi les enseignes de sport, dont une centaine de magasins Decathlon. «Nous sommes également en train de nous implanter dans la grande distribution», affirme Louis Le Nevé.
Debya
Les fesses des cyclistes lui disent merci
Disposer d’une selle adaptée à son anatomie, et donc plus confortable lors des longues échappées à vélo… Ce rêve de cycliste, Thierry Lénat, chirurgien-dentiste passionné de petite reine, le caressait depuis trente ans. Mais il lui a fallu attendre l’avènement de l’impression 3D pour le concrétiser. D’abord en élaborant ses premières selles, en 2019, avec l’aide d’un ami, spécialiste du numérique. Avant de créer une marque dédiée, Debya, suite à sa rencontre avec le cycliste professionnel Léo Bouvier. «Cette selle contribue à prévenir les blessures dues à une assise inadéquate, et permet d’optimiser son coup de pédale et de gagner en puissance», explique Léo Bouvier, le directeur commercial de la start-up, qui assure 100% de sa production dans l’Hexagone, de la conception à la finition, en passant par l’assemblage.
Pour l’heure, l’entreprise de Breuvannes-en-Bassigny (Haute-Marne) ne vend ses selles new-look que sur son site Internet (comptez 500 euros l'unité, prise d’empreinte incluse), et s’appuie sur un réseau de plus de 40 partenaires professionnels de santé. Et même si son chiffre d’affaires n’a avoisiné que 80 000 euros l’an dernier, la jeune pousse est déjà parvenue à lever 140 000 euros de diverses provenances (bourse French Tech, bourse régionale Grand Est, prêt bancaire …). «D’ici à cinq ans, nous souhaitons vendre 70 selles par mois, salarier une dizaine de collaborateurs et développer notre activité à l’international, notamment en Europe», espère Léo Bouvier.
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