A 65 ans, le président de la Société française de médecine et physiologie de la longévité, Christophe de Jaeger, aurait les artères d’un trentenaire. Comment le sait-il ? Parce que son plateau technique permet, selon lui, de réaliser une «cartographie physiologique» suffisamment précise pour connaître l’âge biologique d’un organisme humain. Dans ses bureaux feutrés du XVIe arrondissement de Paris, le docteur Christophe de Jaeger évalue la vitesse de conduction cérébrale de ses patients, mesure leur consommation maximale d’oxygène à l’effort (la VO2max), calcule leur taux de graisse viscérale au point de pourcentage près. «Système par système, on connaît les manifestations de la dégradation liée à l'âge, explique ce gériatre et gérontologue. Biologiquement, nous ne vieillissons pas tous à la même vitesse, mais la bonne nouvelle, c’est que contrairement à l'âge chronologique, qui ne peut que grimper, l'âge physiologique peut s'améliorer. On peut assouplir une artère. On peut agir.»

La médecine de la longévité est une discipline émergente qui vise à prolonger la vie humaine en améliorant sa qualité.

En rupture avec des millénaires de pratique en Occident, elle s’adresse non plus à des malades, mais à des bien-portants. Les patients du docteur de Jaeger sont principalement des quinquagénaires en pleine forme – les derniers à l’avoir consulté sont même quadragénaires – et qui entendent le rester. «Des gens qui travaillent comme des fous et se disent qu’ils feraient bien de se préoccuper de leur capital santé s’ils veulent profiter de la deuxième moitié de leur vie», ajoute le médecin, auteur d’ouvrages grand public sur le sujet. Pour le moment, ces patients qui ne veulent pas vieillir comme les autres viennent plutôt «de l’international» et des beaux quartiers. Les consultations, les scans, les tests, les bilans sanguins, la supplémentation en testostérone ou en sélénium : rien n’est pris en charge par l’assurance-maladie. «Cette médecine est encore chère, tempère Christophe de Jaeger, mais elle va considérablement se démocratiser

Aujourd’hui, le vieillissement n’est pas une fatalité

Pour aider leurs patients à augmenter leur espérance de vie en bonne santé, les médecins ont longtemps disposé d'une seule méthode validée par la science : les priver de nourriture (sans toutefois les carencer). Impressionné par les travaux du physiologiste américain Roy Walford, de l’université de Californie à Los Angeles, Christophe de Jaeger fut le premier Français à ouvrir une consultation de restriction calorique à Paris, à l’hôpital Broussais. «Elle s’est remplie en un rien de temps. Et aussitôt vidée, parce que les gens n’arrivaient pas à tenir, se souvient-il. La restriction calorique désocialise complètement.»

Depuis, d’autres interventions moins pénibles ont prouvé leur efficacité. Christophe de Jaeger en classe certaines comme «politiquement correctes» (l’exercice physique), et d’autres comme «plus sulfureuses» (les traitements pharmacologiques, la correction des déficits). Ces protocoles ont en commun de cibler la sénescence, cette «détérioration progressive et insidieuse de tous nos systèmes» menant inexorablement à la pathologie. «La sénescence est la maladie primaire, affirme le médecin. Il y a quarante ans, nous étions une dizaine à le penser, aujourd’hui nous sommes des milliers. C'est une révolution, parce que jusqu'à présent on a toujours considéré le vieillissement comme une fatalité.»

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