Après dix ans de mariage, le divorce. Le géant américain de l'agroalimentaire Kraft Heinz, qui produit le ketchup Heinz, le fromage à tartiner Phildelphia ou encore le café Maxwell, a décidé de se séparer en deux entités indépendantes et cotées, après dix ans de mariage. «Les marques de Kraft Heinz sont emblématiques et appréciées mais la complexité de notre structure actuelle rend difficiles l'allocation efficace des capitaux, la hiérarchisation des priorités et le développement de nos secteurs les plus prometteurs», explique Miguel Patricio, président du conseil d'administration, cité dans un communiqué.

Ce divorce devrait être finalisé au deuxième semestre 2026. Le nom officiel de chaque entreprise sera dévoilé ultérieurement. La première - baptisée temporairement Global Taste Elevation - doit regrouper les sauces, produits à tartiner, assaisonnements et condiments - et comprend les marques Heinz et Philadelphia. En 2024, le chiffre d'affaires cumulé a atteint 15,4 milliards de dollars pour un bénéfice d'exploitation hors éléments exceptionnels d'environ 4 milliards.

Une division stratégique

La seconde - North American Grocery - doit réunir les marques Oscar Meyer - notamment connue pour ses saucisses -, Maxwell House, CapriSun et des produits de snacking Kraft. Les ventes ont atteint en 2024 environ 10,4 milliards de dollars, pour un bénéfice d'exploitation à données comparables d'environ 2,3 milliards. Cette dernière doit être dirigée par Carlos Abrams-Rivera, actuel patron du groupe né de la fusion en 2015 de Kraft Foods avec Heinz pour 49 milliards de dollars.

Le divorce devrait entraîner jusqu'à 300 millions de dollars de synergies perdues, mais le groupe entrevoit des «opportunités claires pour comprendre une partie importante à court terme». L'union s'est rapidement heurtée à de nombreux écueils, en particulier une dépréciation d'actifs de 15,4 milliards dès 2018 puis une seconde en août 2019 de 1,22 milliard. En septembre 2021, le groupe a été sanctionné par le gendarme américain de la Bourse (SEC) pour avoir artificiellement gonflé ses réductions de coûts entre 2015 et 2018 pour présenter une meilleure image financière aux investisseurs. Il a dû payer 62 millions de dollars et deux anciens dirigeants ont également été mis à l'amende.

«Zero budgeting»

Contrôlé à l'époque par les milliardaires helvético-brésilien Jorge Paulo Lemann, via la société d'investissements 3G, et l'américain Warren Buffett, Kraft Heinz avait mis en place une stratégie fondée sur la baisse des dépenses, le «zero budgeting». Chaque dépense était remise en cause, ce qui a entraîné une réduction drastique des frais et a permis, du moins pendant un certain temps, à Kraft Heinz de dégager d'enviables marges bénéficiaires. Mais sa croissance organique a commencé à patiner dès 2017.

Berkshire Hathaway, conglomérat créé par Warren Buffet, est désormais le plus gros actionnaire avec 27,4% du capital détenu au 30 juin 2025, après le désengagement progressif de 3G qui a terminé d'écouler sa participation courante 2023. Surnommé «l'oracle d'Omaha» pour sa perspicacité dans les affaires, Warren Buffet n'a pourtant pas eu le nez creux dans cette affaire qui lui a coûté plusieurs milliards de dollars au fil des ans. Et encore au deuxième trimestre 2025 : il a déprécié sa participation à hauteur de 3,76 milliards après impôts.

Warren Buffett méfiant après l'annonce de la scission

Dans un entretien mardi à la chaîne américaine CNBC, le nonagénaire - qui doit céder la direction générale de son groupe en fin d'année - s'est dit «déçu» par la scission annoncée et à regret qu'elle puisse se faire sans assemblée générale des actionnaires. «Cela ne s'est pas avéré être une brillante idée de les avoir réunies, mais je ne pense pas que les séparer va résoudre le problème», a relevé Warren Buffett, se disant prêt à examiner une proposition d'achat de sa participation uniquement «si la même offre est faite à tous les autres actionnaires de Kraft Heinz».

L'action, qui plongeait de plus de 7% mardi à la Bourse de New York, a perdu plus de 27% en un an et près de 71% depuis la finalisation de la fusion le 2 juillet 2015.