
En immobilier, gare à la générosité… Monsieur P. l’a appris à ses dépens. Il y a une vingtaine d’années, il prête l’un de ses appartements à une amie italienne, madame Y., atteinte du sida, afin de lui permettre d’être soignée dans un hôpital en France. Madame Y. occupe le bien à titre gratuit, sur la base d’un simple accord verbal avec monsieur P.. Mais 23 ans plus tard, ce dernier a besoin de récupérer l’appartement. Hors de question pour madame Y., même après la réception d’une lettre recommandée lui demandant de quitter les lieux !
Madame Y. a beau être une amie, monsieur P., qui a un besoin urgent de son appartement, ne voit pas d’autre solution que de l’assigner en justice, afin d’obtenir la résiliation du prêt du bien, l’expulsion de madame Y. et le paiement, par celle-ci, d’une indemnité d’occupation depuis la réception de la lettre recommandée. Pour se défendre, madame Y. assure qu’il s’agit d’un prêt dit «viager», censé durer jusqu’à son décès. Elle s’appuie sur la définition du prêt à usage, qui est, selon l’article 1875 du Code civil, «un contrat par lequel l’une des parties livre une chose à l’autre pour s’en servir, à charge de la rendre après s’en être servie». Madame Y. s’estime en droit d’utiliser l’appartement, pour continuer à être soignée à l’hôpital tout proche, jusqu’à son décès, «terme naturel prévisible» du prêt du bien, compte tenu de la gravité de sa maladie.
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Toujours formaliser un prêt à usage par écrit
Les juges lui donnent raison mais monsieur P. fait appel de leur décision. Cette fois, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence statue en faveur du propriétaire. Madame Y. se pourvoit alors en cassation. Dans une décision rendue le 14 mai 2025, repérée par le cabinet d’avocats Adonis, la Cour de cassation déboute madame Y, confirmant l’analyse de la cour d’appel selon laquelle «aucun terme naturel, tel que le décès de l'intéressée, n’est prévisible». La Cour de cassation «rappelle un principe simple mais essentiel : en l’absence de terme convenu ou prévisible, le prêt à usage peut être résilié à tout moment par le prêteur, à condition de respecter un délai raisonnable de préavis», de trois mois dans ce cas précis, décrypte le cabinet d’avocats. Et d’insister : «Le prêt à usage ne confère aucun droit au maintien dans les lieux, contrairement à un bail d’habitation.»
Selon les avocats, cette décision de la Cour de cassation constitue «une piqûre de rappel» pour les propriétaires qui acceptent de laisser occuper gratuitement un logement. Non seulement l’absence de contrat écrit «crée de l’ambiguïté» mais, en cas de litige, la preuve de l’accord initial ne peut reposer que sur «des témoignages ou des indices matériels», souligne le cabinet d’avocats. Qui conseille donc de toujours formaliser un prêt à usage «par écrit, même sommairement».




















