
En 2025, 4 millions de diagnostics de performance énergétique (DPE) seront réalisés. Cet outil de mesure, créé en 2006, est devenu en moins de vingt ans familier…et redouté. Entre une loi Climat résilience qui a associé à un mauvais classement des logements locatifs une interdiction de louer pure et simple, et des effets attestés de l’étiquette énergétique sur la valeur des biens et la possibilité d’y attacher un crédit, le DPE, uniquement informatif à ses débuts, s’est acquis une autorité de première importance. En outre, il est le socle de la politique de mutation environnementale du patrimoine immobilier : le constat de la performance ou de la contre-performance d’un logement ou d’un local d’activité va emporter des conséquences onéreuses en matière de travaux correctifs. Plus de propriété sans conscience nécessaire de la qualité écologique d’un bien immobilier. Seulement voilà: le DPE manque de fiabilité.
Certes, les chiffres officiels, qui ne rendent sans doute pas compte de toute la réalité, conduisent à relativiser les doléances : selon une étude du Conseil d’analyse économique, moins de 2% des DPE en 2024 ont été jugés complaisants et insincères. La vérité est probablement plus sombre, dans des proportions difficiles à préciser par définition de ce qui gagne à être caché.nEt de toute façon, en matière scientifique -or, il s’agit bien d’un outil scientifique-, la suspicion affecte tout le système et finit par faire douter les moins sceptiques. Ces 2% ou ces 3 ou 5%, peu importe, sont encore trop. Valérie Létard, ministre du logement, lors de sa présentation à la presse du plan de « restauration de la confiance» et encore lorsqu’elle s’est exprimée dans l’émission Complément d’enquête sur France 2 le lendemain soir, a eu le ton juste : elle n’a pas crucifié la profession dans son ensemble et a rappelé que l’écrasante majorité des situations se passait bien.
Vers la création d'un ordre des diagnostiqueurs
Pour autant, elle ne peut donner son absolution et la profession doit ouvrir les yeux et réagir: séparer le bon grain de l’ivraie ne suffit plus et il faut supprimer l’ivraie. Les organisations professionnelles de diagnostiqueurs, dont le nombre ne constitue pas un atout quand il faut concentrer les efforts, les organismes de formation, de certification et de contrôle, les syndicats de donneurs d’ordre, agents immobiliers et administrateurs de biens sont invités à réfléchir et à aider l’État à administrer les remèdes les plus efficaces. Le gouvernement en a déjà sélectionné plusieurs et en suggère d’autres. Au rang de ceux qui sont imaginés, la création d’un ordre professionnel, avec pouvoir de contrôle et de sanction.
À ce jour, les seules professions ainsi organisées ressortissent aux domaines essentiels de la santé, du droit ou du chiffre, et dans une moindre mesure de la technique, comme les géomètres-experts. Le diagnostiqueur emprunte à tous ces champs, y compris le compartiment sanitaire lorsqu’il détecte l’origine d’une dangerosité patente, en présence d’amiante ou de plomb, ou encore de non conformité d’installations électriques. Une mission de réflexion sera confiée dans les prochains jours à un parlementaire sur ce sujet, et d’ores et déjà, le député des Landes Lionel Causse prépare une proposition de loi instaurant un ordre: son intention avait anticipé sur la volonté de la ministre.
Un QR code pour chaque DPE
Une autre mission a pour objet d’identifier quelles formations supérieures post bac seraient opportunes pour former les diagnostiqueurs à l’avenir : cette profession, avec ses diverses spécialités, est aujourd’hui accessible par la reconversion. Cette voie, avec des formations continues courtes de quelques mois, ne suffit pas à identifier une filière professionnelle et des diplômes reconnus par l’État méritent de voir le jour, avec des cycles y préparant. La ministre a même élargi la mission à des recommandations pour que la formation continue monte en qualité et en uniformité… À ce jour, le meilleur côtoie le pire, qui n’a plus sa place dans cet univers professionnel à forts enjeux.
Enfin, des mesures pragmatiques seront prises, le recours à l’intelligence artificielle pour détecter les comportements suspects et les DPE frelatés, le contrôle annuel de chacun des 10 000 professionnels en activité, la suspension immédiate et pour 18 mois d’un fraudeur et de deux ans pour un récidiviste, le contrôle tous les dix mois des organismes de certification, la géolocalisation des diagnostiqueurs pour vérifier l’effectivité du travail sur site, l’interdiction de donner le résultat du DPE juste après son élaboration pour éviter les pressions par le propriétaire ou son mandataire, et enfin l’association à chaque diagnostiqueur et à chaque DPE d’un QR code permettant de vérifier l’habilitation du premier et l’authenticité du second avec son inscription sur le site de l’ADEME.
Auxiliaire des politiques publiques
C’est un changement d’ère pour le diagnostic immobilier et pour celles et ceux qui en ont la responsabilité. Il leur est demandé au fond de comprendre combien ils sont importants pour le pays et pour l’ambitieuse politique stratégie nationale et européenne de transition environnementale. Une conversion vertigineuse pour des acteurs qui croyaient pour beaucoup d’entre n’accomplir que des gestes techniques. Une mutation enthousiasmante surtout : en une génération, ils seront passés du statut dégradant de mal nécessaire, ou de charge augmentatives du coût de la propriété, au statut d’auxiliaire des politiques publiques. Qui oblige.



















