
Les plus riches sont de plus en plus riches, et les plus pauvres de plus en plus pauvres. C'est l'amer conclusion que tire l'Insee dans sa dernière étude «Niveau de vie et pauvreté», portant sur les revenus des Français en 2023, et publiée ce lundi 7 juillet. Cet écart entre les deux extrémités de l'échelle des revenus atteint même un niveau record : «La baisse du niveau de vie des plus modestes, concomitante à la hausse de celui des plus aisés, conduit les indicateurs d’inégalités à atteindre des niveaux parmi les plus élevés depuis 30 ans», pointe l'institut national de la statistique.
Parmi ces indicateurs d'inégalité, l'Insee s'intéresse notamment au rapport interdécile, c'est-à-dire au rapport entre le niveau de vie plancher des 10% les plus aisés, et le niveau de vie plafond des 10% les plus modestes (voir encadré). Concrètement, si on divise la population française en dix tranches (ou déciles) selon leur niveau de revenu, les premiers français à entrer dans la catégorie des 10% les plus aisés gagnaient, en 2023, 3,49 fois plus que les mieux lotis parmi les 10% les plus pauvres. Un niveau proche du record de 2011 (3,58 fois).
Il faut être encore plus riche pour atteindre la marche des 10% les plus riches
Plus précisément, entre 2022 et 2023, le neuvième décile (D9) - soit le niveau de vie minimum des 10% les plus riches - a augmenté 2,1% selon l'Insee, tandis que, sur la même période, le premier décile (D1) - le niveau de vie maximum des 10% les plus modestes - a diminué de 1%. Autrement dit, il faut être encore plus riche pour atteindre la marche des 10% les plus riches. A l'opposé, le niveau de vie plafond des 10% les plus pauvres a encore reculé.
Plus intéressant, pour expliquer cet éloignement croissant, l'Insee met notamment en avant la nature des placements détenus par ces deux groupes. En particulier, pour ce qui concerne les gains de revenus des plus riches : «La majeure partie de cette hausse est due à l’augmentation des revenus financiers impulsée par la hausse des taux d’intérêt et à l'augmentation des revenus d'investissement, notamment des placements et assurances vie», note l'Insee.
Une inégalité d'accès aux placements les plus rémunérateurs
On constate en effet une inégalité dans l'accès aux placements, en particulier les plus rémunérateurs. Dans son étude sur «La détention de patrimoine des ménages en 2024», l'Insee notait par exemple que si 71% des Français détenaient un Livret A - on en compte environ 57 millions ouverts - seuls 42% disposaient alors d'une assurance vie. Certes l'année 2023 a été celle de la hausse des rendements des Livrets réglementés (jusqu'à 3% pour le Livret A, et 6,1% pour le Livret d'épargne populaire, LEP), mais l'assurance vie, si elle dispose aussi d'une partie garantie en capital - le fonds en euros - permet à ses titulaires d'accéder à d'autres investissements, qui peuvent être bien plus rémunérateurs.
Par exemple, sur le long terme, ce sont les actions qui affichent la meilleure performance : 11,8% de rendement en moyenne par an, entre 1984 et 2024, selon Institut de l'épargne immobilière et foncière (IEIF). Or, selon l'Autorité des marchés financiers (AMF), en 2023, environ 1,3 million de particuliers ont réalisé au moins un achat ou une vente d’actions, soit… 1,9% des Français seulement. Un ratio logique, car pour se lancer sur ces investissements risqués, il faut d'abord avoir mis de côté une épargne de précaution, sur son Livret A, par exemple. Un placement dont, faute d'économies suffisantes, de nombreux épargnants doivent se contenter.
Quels sont les revenus du premier et du neuvième décile ?
Selon l'Insee, en 2023, le premier décile - soit les 10% de Français les plus modestes - affichaient des revenus inférieurs à 13 460 euros par an. A l'opposé, les 10% les plus riches gagnaient plus de 46 960 euros. Le panel de l'Insee couvre uniquement la France métropolitaine, les personnes vivant dans un logement, les ménages qui déclarent un revenu (positif ou nul) et dont la personne de référence n'est pas étudiante.



















