Après avoir réduit la voilure sur les primes à l’embauche et plus récemment allégé les salaires des alternants par décret depuis le 1er mars 2025, le gouvernement prévoit un nouveau tour de vis pour l’alternance. Dans le viseur, les entreprises qui embauchent des apprentis de niveau bac +3 et au-delà. Selon Les Echos, l’exécutif prévoierait de leur imposer un reste à charge de 500 à 750 euros pour chaque contrat signé. Une information confirmée à Capital par le ministère du Travail, qui précise vouloir acter la mesure d’ici le 1er juillet. Cette échéance doit encore être officialisée par un décret, dont la date de publication est inconnue à ce jour.

Notez toutefois que ce futur ticket d’entrée à l’alternance ne sera pas fixe. Le gouvernement entend inciter les branches à moduler la participation selon les besoins du marché. Traduction : pour les métiers en tension, l’addition pourrait être allégée. A l’inverse, les filières «saturées» pourraient payer plein pot. «Car l’objectif de l’apprentissage, c’est d’abord d’insérer les jeunes sur le marché du travail directement après leurs études, sans passer par la case chômage», rappelle-t-on au cabinet de la ministre du Travail Astrid Panosyan-Bouvet.

«Le nombre d'apprentis [...] risque de diminuer drastiquement»

Mais rendre l’embauche d’un apprenti plus coûteuse ne risque-t-il pas, précisément, de freiner l’emploi des jeunes, dont le taux de chômage reste 2,4 fois plus élevé que la moyenne ? C’est l’une des craintes de l’Association nationale des apprentis de France. Pour son président Baptiste Martin, c’est une quasi-certitude : «Le nombre d'apprentis sur ces niveaux de formation [au moins bac +3, NDLR] risque de diminuer drastiquement.» Plusieurs OPCO (les organismes de compétences chargés de piloter la formation professionnelle des salariés en alternance) enregistrent déjà une baisse des signatures de nouveaux contrats sur le début de l’année 2025. Le signe évident d'un «ralentissement dans le supérieur pour cette rentrée», qui va forcément «en laisser certains sur le carreau», selon Baptiste Martin.

Du côté de l’exécutif, on admet que «le nombre d’apprentis pourrait effectivement diminuer de quelques centaines, voire de quelques milliers». Mais à l’heure où Bercy espère 30 milliards d’euros d’économies d’ici la fin de l’année, l’alternance – jusqu’ici largement subventionnée par l’Etat – n’échappe pas au dégraissage. «Aussi efficace soit-il, on ne peut pas mettre sous perfusion éternelle ce système», justifie le gouvernement, qui a dépensé 16,5 milliards d’euros en soutien à l’apprentissage en 2024, selon un rapport de la Cour des comptes paru en janvier dernier.

Un enseignement de moindre qualité ?

Et même pour les jeunes qui réussiront à signer un contrat en alternance à la rentrée, le nouveau reste à charge ne présage pas forcément de bonnes nouvelles. Officiellement, ce montant – pouvant donc grimper jusqu’à 750 euros – n’est pas directement facturé par l’Etat aux entreprises, mais aux centres de formation d’apprentis (CFA). A charge pour eux de le répercuter (ou non) sur les employeurs. De fait, «de nombreux CFA pourront préférer absorber ce [reste à charge]» plutôt que risquer de voir une entreprise partir à la concurrence, prédit Baptiste Martin.

Et les premières victimes seront les apprentis eux-mêmes. Car qui dit budget raboté, dit forcément ajustements. Classes plus chargées, formateurs moins expérimentés (donc moins chers), visites en entreprise bâclées : selon l’Anaf, «certains CFA risquent de sacrifier la qualité de l’accompagnement». Se voulant rassurant, le ministère du Travail assure «avoir ces problématiques en tête», sans donner plus de détails. Peut-être en saura-t-on davantage le 30 avril prochain, date à laquelle la ministre Astrid Panosyan-Bouvet doit dévoiler aux partenaires sociaux les conclusions de la concertation sur le financement de l’apprentissage.