
Coup de semonce pour les milliers de collectivités locales gérant nos routes, et dont les ralentisseurs disséminés un peu partout en France pourraient bien, désormais, leur causer quelques ennuis ! Le 27 mars dernier, le Conseil d’État, la plus haute juridiction administrative, a en effet implicitement reconnu que des centaines de milliers de ces dispositifs, que vous croisez sur votre chemin, qui sollicitent trop vos roues et qui vous crispent le cou, étaient en réalité… dans l’illégalité ! Explication : tous ces équipements auraient dû être installés en suivant les consignes d’un décret publié en 1994 (décret n°94-447), et définissant notamment la forme et la hauteur de ces ralentisseurs désignés comme “trapézoïdaux”. Or, la plupart des collectivités ont préféré se référer, à la place, à un guide édité en 2010 par le Cerema, un établissement public relevant de plusieurs ministères comme celui de la Transition et de la Décentralisation, et qui avait édicté sa propre méthode, contestable. Notamment, le document avait fait disparaître cette notion de ralentisseur “trapézoïdal”, pour la remplacer par une multitude de dispositifs aux appellations plus ou moins floues, depuis les "coussins berlinois" jusqu’aux "dos d’âne", en passant par les "plateaux traversants", et autres "plateaux surélevés". Ce sont ces équipements, installés sur nos routes depuis une dizaine d’années, que le Conseil d’Etat a implicitement sanctionnés, en ne censurant pas un précédent arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille, datant de début 2024. Arrêt qui avait lui-même permis à d’autres juridictions administratives de condamner, l’an passé, le Conseil départemental du Var et la commune d’Allinges (Haute-Savoie).
450 000 ralentisseurs illégaux en France
Certes, les organisations de défense des automobilistes à l’origine de ce contentieux (l’association Pour une mobilité sereine et durable, soutenue par la Ligue de défense des conducteurs) attendaient sans doute mieux de cet arrêt du Conseil d’Etat. Car la juridiction administrative a décidé de rejeter leur demande de destruction effective des quelque 450 000 ralentisseurs non conformes qu’elles avaient identifiés. Même si, selon ces associations, ces dispositifs accentueraient la pollution atmosphérique, et augmenteraient les risques d’accidents de la route… Il n'empêche : en reconnaissant l’illégalité de ces ralentisseurs, le Conseil d’Etat a tout de même ouvert la voie à de possibles recours contre les collectivités ayant décidé de les installer, qu’il s'agisse d'actions en matière de responsabilité civile, ou, en cas d’accident, en matière pénale. "Aucune de ces structures ne devrait exister en France", insiste ainsi Thierry Modolo, fondateur de l'association Pour une mobilité sereine et durable (PUMSD).
Les enjeux financiers sont énormes : si l’installation de ces 450 000 ralentisseurs avait mobilisé près de 10 milliards d'euros, leur suppression ou leur mise en conformité coûterait entre 5 et 7 milliards d’euros ! Un montant que les collectivités locales n’ont évidemment pas les moyens d’assumer. A moins qu'elles ne tentent de refiler la patate chaude aux entreprises de travaux publics sollicitées à l’époque pour installer ces ralentisseurs. Ces spécialistes pourraient en effet être à leur tour inquiétés, notamment pour manquement à leur devoir de conseil. En tout cas, les maires disposent d’un délai de dix ans à compter de la réception des travaux pour engager la responsabilité des entreprises concernées.
Du côté des élus, le message est désormais clair : stop à l’impro. Vouloir faire ralentir les voitures, oui, mais pas au mépris de la loi. Faute de quoi, la justice pourrait, elle, accélérer. Pour les associations à l’origine du combat, la décision du Conseil d’État est en tout cas une victoire. "On ne peut plus s’affranchir des conditions d’implantation des ralentisseurs", jubile Thierry Modolo-Dominati (PUMSD). Même tonalité du côté de la Ligue de Défense des Conducteurs : "c’est la fin du grand n’importe quoi !"
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