Malgré l'appel au «réarmement démographique» lancé par Emmanuel Macron, la natalité continue de baisser en France. L’Insee a révélé que le nombre de naissances a chuté de 2,2 % en 2024 par rapport à 2023, atteignant son niveau le plus bas depuis la Première Guerre mondiale. Une tendance qui s’explique par des changements sociétaux profonds et une inégalité persistante entre les hommes et les femmes.

L’indicateur de fécondité en France s’est établi à 1,62 enfant par femme en 2024, contre environ 2 enfants par femme entre 2000 et 2012. Une chute importante qui marque la fin de l’exception démographique française. «Il y a eu une brusque chute en 2023 et ça se poursuit», analyse Hervé Le Bras, directeur d’études à l’EHESS, auprès de BFMTV. Cette baisse de la natalité s’inscrit dans une tendance plus large en Europe, où la fécondité des pays tend à s’aligner autour de 1,5 enfant par femme. «Les pays qui avaient encore un niveau assez haut comme la France, l’Irlande ou les pays nordiques baissent et ceux qui étaient déjà bas stagnent ou augmentent légèrement comme le Portugal ou l’Allemagne», ajoute le démographe.

La montée en puissance de l'enfant unique

Parmi les raisons de cette baisse, Hervé Le Bras cite l’évolution des mentalités, notamment le déclin du stigmate de l’enfant unique, qui était encore très présent en France jusqu’aux années 2000. «Depuis les années 30, on disait que ce n’était pas bien et que l’enfant allait s’ennuyer. Cette idée est en train de disparaître», explique-t-il. Ce changement de perception conduit de plus en plus de couples à ne pas avoir d’enfants ou à s’arrêter à un ou deux enfants seulement.

La baisse de la natalité est également liée à l’évolution des rôles sociaux et à la question de l’égalité femmes-hommes. Historiquement, la France a su concilier vie familiale et professionnelle en permettant aux femmes de travailler tout en ayant des enfants. Mais la situation a changé. «Les femmes sont aujourd’hui plus diplômées que les hommes. Il n’y a plus de raison qu’elles sacrifient leur carrière pour la famille», explique Hervé Le Bras. Pourtant, les tâches domestiques et parentales restent majoritairement prises en charge par les femmes, sans progrès notables ces dernières années.

Plus de flexibilité dans l'entreprise

Alors, faut-il s’inquiéter de cette baisse des naissances ? À court et moyen terme, Hervé Le Bras estime que non. «Cela fera moins de coûts pour l’éducation et les couples auront plus de revenus», affirme-t-il. Les problématiques pourraient apparaître dans une vingtaine d’années, lorsque ces générations réduites arriveront sur le marché du travail, avec un impact potentiel sur le financement des retraites et de la santé. Mais pour le démographe, il y a encore le temps d’adapter les réformes.

Face à cette situation, que faudrait-il faire pour relancer la natalité en France ? Selon Hervé Le Bras, une piste pourrait être d’instaurer davantage de flexibilité au travail pour les parents. «Les entreprises et les administrations doivent être plus souples sur les horaires, par exemple en cas d’un enfant malade ou d’un problème à l’école», propose-t-il. Julien Damon, professeur à Sciences Po, évoque aussi auprès de nos confrères l’importance de la qualité des services publics de la petite enfance, notamment en garantissant aux futurs parents une place en crèche ou un accès facilité à une assistante maternelle.

Si la natalité chute, la population française continue néanmoins de croître grâce à l’immigration. En 2024, le solde naturel (différence entre les naissances et les décès) s’est établi à +17 000, tandis que le solde migratoire atteignait +152 000. Cette dynamique explique pourquoi la population française augmente malgré une baisse des naissances.