
Rues bondées, épuisement des ressources, hausse des prix de l’immobilier… Dans le deuxième épisode de notre série sur le surtourisme, Capital s'intéressait aux conséquences d’une fréquentation dépassant les capacités d’un lieu. Après le temps du constat, voici celui des solutions. L’une des premières questions qui se pose est la suivante : le tourisme est-il un droit comme les autres ? C’est l’une des interrogations que soulève Sylvain Petit, professeur des universités en sciences économiques : «On considère souvent le tourisme comme un droit, mais on accepte que certains biens restent inaccessibles. Pourquoi en serait-il différent ? C'est un choix qui n'est pas qu'économique, c'est aussi un choix de société». Comprenez, «les destinations doivent-elles être accessibles à tous» ?
Pour autant, la nécessité d’instaurer des quotas est-elle la bonne solution ? Pas si sûr à en croire l’économiste. Pour rappel, les quotas limitent l'accès à certains sites pour préserver l'environnement et le patrimoine. C’est notamment le cas dans les Calanques de Marseille où le site est limité à une centaine de visiteurs par jour contre des milliers auparavant. «Instaurer un quota est une solution de dernier recours, mais jamais totalement juste. Qui en bénéficie ? Selon quels critères ? On peut tourner ces critères dans tous les sens, ils ne sont généralement pas justes», détaille l’expert. Faut-il alors privilégier ceux qui réservent le plus tôt, ceux qui maîtrisent mieux les outils numériques ou encore ceux qui sont prêts à se lever à l’aube pour obtenir leur place ?
Augmenter les taxes de séjour pour limiter la surfréquentation ?
L’une des solutions proposées par l’économiste, serait - lorsqu’un site est menacé par une surfréquentation - d’élever drastiquement les taxes de séjours. «D'un point de vue économique, cela permettrait de compenser des externalités négatives causées par la surfréquentation», explique l’universitaire. Les dégâts engendrés - s’ils sont réparables - seraient alors compensés par ces recettes fiscales, tout en faisant baisser la demande. «Et si on estime que ce n'est pas juste de réguler la consommation par les prix, pourquoi le tourisme serait-il régi autrement que les autres biens et services marchands ? C'est en ça que c'est un choix de société», affirme le professeur des universités en sciences économiques.
Certains sites naturels choisissent de faire confiance à l’intelligence collective et à l’auto régulation. Le site Affluences, que les étudiants connaissent bien pour vérifier les places disponibles à la bibliothèque universitaire, permet - grâce à des capteurs - de mesurer la fréquentation des lieux en temps réel. La solution digitale collabore désormais avec nombreuses destinations afin que les visiteurs puissent en évaluer l’affluence : Alta Rocca en Corse, le Grand Annecy sur la station du Semnoz, les Gorges de l'Ardèche, le Colorado Provençal, les Dunes sauvages de Quiberon, l'île de Bréhat et bien d’autres. Des résultats positifs ont déjà été observés sur le site du Cirque du Fer-à-Cheval (Haute-Savoie), d’après Affluences, la solution instaurée sur place en 2022 a permis de réduire la saturation des parkings et des embouteillages aux alentours du site.
Tout cela permettrait-il de rendre le tourisme durable ? Une expression peu appréciée par les experts. Notamment pour Jean-Pierre Lozato-Giotart, spécialiste du tourisme et membre de l'Association internationale des experts scientifiques du tourisme : «Le tourisme sera durable seulement s’il est responsable et appliqué». Le chercheur explique que les limites quantitatives existent pour sauvegarder l'environnement mais aussi le tourisme. «Si les acteurs du tourisme ne pensent pas autrement le tourisme dès maintenant, ils vont devoir le faire très rapidement sinon ça va très mal tourner, la planète a des capacités limitées», conclut le spécialiste.



















